« On a pu croire un instant que ta machine à faire les bulles de savon, depuis si longtemps souhaitée, allait enfin voir le jour. Les bagues montées sur tiges, que vendent les camelots de nos boulevards, sont, en effet, capables de produire, d'un seul souffle, quelque trente à quarante bulles. Il semble qu'elles doivent cette propriété à leurs bords striés et rugueux, que l'on dirait en papier de verre. Malheureusement, la découverte, en s'industrialisant, perd une part de sa qualité. Les nouvelles bagues, que l'on trouve dans le commerce, sont élastiques, de forme ovoïde, moins grandes que les anciennes, et ne donnent guère plus de cinq à dix bulles d'un coup. De sorte que nombre d'amateurs ont pris le parti de revenir à la pipe, au cornet de papier ou à la paille de leur enfance. Nous ne saurions les en blâmer. Il faut avouer d'ailleurs que la bibliographie du sujet ne s'est guère enrichie depuis l'excellent traité de Benjamin Fiolle (1767) et les travaux de Plateau. On lira néanmoins avec plaisir, malgré le ton légèrement enfantin, le Livre des bulles de savon, de Catherine Gay (Albin Michel, 1951). Ce petit essai contient d'excellents conseils touchant les porte-bulles, les figures de savon et la multiplication des bulles folles. On savait déjà qu'il suffit de mêler à l'eau savonneuse quelques gouttes de glycérine pour obtenir des bulles élastiques et durables. Mais Mme Gay paraît ignorer qu'un peu d'huile permet de les faire plus grandes. Il m'a semblé d'autre part qu'elle exagérait, avec une sensibilité toute féminine, la répulsion qu'éprouvent les bulles à l'égard de l'ammoniaque. Enfin, Mme Gay ne tient compte ni des savons liquides, ni de la machine à faire les bulles, dont il a été question plus haut. » (Jean Paulhan, NRF 1er décembre 1953)
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Remake / Remodel N°27
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Psychogeographie indoor (53)

« En tous les cas, il est malsain de tenir le passé pour quelque chose de réel, ou surtout pour quelque chose de vrai. L’être humain se transforme radicalement tous les sept ans. Ce ne sont plus les mêmes muscles. Ce n’est plus le même œil qui regarde la terre. Le sang a été plusieurs fois renouvelé. Une autre langue goûte aux mets. D’autres manies germent. Le vécu s’est envolé avec le souffle des poumons, et vidé avec l’eau des reins ; des nourritures évacuées, voilà ce qu’est le passé »(Hans Henny Jahn, Cahiers de Gustav Anias Horn)
1.
8 avril.- Matinée pluvieuse, après-midi laissant place à de larges soleillées, température en baisse. (16°) Pardonnez-moi si je baisse, pardonnez-moi si j’ânonne, c’est ainsi et je n’y peux rien.
Largement entamé le Lost Highway de Peter Guralnick. C’est la suite de son Feel Like Going Home que j’avais lu et très aimé il y a quelques mois. Même motif, même punition. Guralnick part sur les routes à la rencontre des pionniers. Pas n’importe quels pionniers, les pionniers du blues, de la country et du rockabilly. Il y a pire voyage, les rencontres sont agréables ( Ernest Tubb, Hank Snow, Rufus Thomas, Scotty Moore). On ressort des studios Sun avec l’impression d’avoir croisé une magnifique bande de cinglés… Quant à Guralnick il est toujours formidable, mettant son érudition au service d’un humanisme sans faille, ce qui n’est pas rien il faut bien le dire.
Quitté Nashville et poursuivi la lecture du Livre du Thé de Okakura Kakuzô. À l’alternat, vrai exotisme.
9 avril.- Soleil trompeur, fraîcheur. (16°C) L’un de mes pénibles voisins ayant éprouvé le besoin d’ouvrir ses fenêtres tout en écoutant pendant des heures une sorte de reggae patibulaire, j’ai dû garnir mes oreilles de deux boules Quies pour tenter de lire en moyenne quiétude. J’ai fait la chose tout en grimaçant puis je me suis chuchoté que les voisins ne devraient pas exister. D’ailleurs, je vote contre.
Je n’aurais rien à dire de bien extraordinaire sur Lost Highway. C’est un livre que je trouve formidable et je vous engage à le lire séance tenante. (Enfin si vous êtes encore un brin vibrionnant et amateur de pâte humaine, j’imagine que les cœurs secs trouveront tout cela bancal, mal fagoté et charpenté à la diable). Les pages consacrées à Elvis Presley sont magnifiques, presque bouleversantes… Guralnick le voit enfler puis presque disparaître dans les replis d’une bouffissure mortifère. Il a grandi avec lui et il constate que tout est passé, chiffonné, les débuts pour Sun, le service militaire, Hollywood et Memphis, Aloha et Zarathoustra… La nostalgie est certes là, mais il y a surtout le sentiment d’un énorme gâchis ( finalement non, trois, quatre années miraculeuses valent plus que vingt autres plus ordinaires et soumises au goulet du temps). Après s’être souvenu d’Elvis Guralnick rencontre une nouvelle fois Charlie Rich. Par la fausse grâce d’un tube en or plombé (le glutineux Most Beautiful Girl) celui-ci est devenu une star. Évidemment, c’est un problème, Charlie Rich préférerai pécher, jouer du blues, du jazz… ne rien faire. Il ne peut pas, alors il boit, se délite lui aussi… Pages encore magnifiques, Charlie est un ami.
10 avril.- Temps splendide, ciel IKB, quasi-tiédeur. (23°C) On ne sait pas si Peter Guralnick est un écrivain ou un journaliste et pour tout dire on s’en fiche un peu, c’est surtout un type qui aime les types dont il parle et qui par capillarité les rend à peu près tous sympathiques. Chez lui Merle Haggard n’est pas le vil réac boudeur que l’on imagine c’est un type attachant en plein divorce - pages très drôles… une clique hétéroclite entoure le chanteur - un type à la biographie plus longue que mon bras gauche (j’ai pourtant les bras très longs), Hank Williams Jr est loin du fils à papa, c’est plutôt un autre Hank. Arasé par les tournées. Assommé par l’alcool et les tranquillisants, même motif même punition. Je ne m’étalerai pas plus que ça sur toutes les autres « rencontres » , elles sont toutes formidables… La dernière avec Sam Phillips n’est pas la moins émouvante. « … dans le monde du blues, tout le monde est en quelque sorte une célébrité. Les chanteurs apparaissent et disparaissent, vont en prison, rejoignent l’Eglise. C’est un monde transitoire qui se bat pour atteindre une sorte de permanence, dans lequel le geste est tout, où on est rarement jugé et où les épreuves personnelles les plus terribles sont endurées avec une résignation douce et mélancolique qui s’accommode des aléas de la vie et du comportement des hommes. »
11 avril.- Soleil voilé, grande douceur, quasi-tiédeur. (23°C) Lu la Tentation des armes à feu, de Patrick Deville. Court « roman » qui n’en est pas un. Quatre histoires tournant autour des armes à feu et du trépas volontaire. Une photo de Baltasar Brum, président du Conseil uruguayen deux pistolets en mains avant qu’il ne se donne la mort, un voyage entre Bakou et Tbilissi et le souvenir de deux suicidés conséquents (Pouchkine et Essenine), Michel Piccoli qui s’assassine lui-même à la fin de l’Étau (un mauvais Hitchcock), la tentation d’en finir qui saisit le narrateur. Les histoires sont d’assez jolies pièces rapportées, mais le fil du romanesque qui est censé les coudre entre elles ne tient pas du tout. Le livre ressemble à un petit patchwork décousu et on le lit tout en se disant qu’il aurait pu être beaucoup mieux s’il s’était oublié roman-roman (un récit de voyage, des digressions mousseuses, on ne demande parfois rien de plus…)
En parlant de patchwork fini la journée chez Bernard Frank, Robert Benchley et Roger Caillois. Rien de commun entre eux . Si une chose, ils ne sont pas décevants.
12 avril.- Passages nuageux, douceur encore là. (22°C) Journée inutile, gâchée. Quelques chroniques de Bernard Frank. Rien d’autre. Demain départ pour l’île de Malte.
21 avril.- Temps saumâtre, averses. (12°C) Retour de Malte. Jolie petite « île chargée d’histoire ». Du soleil, un peu de vent et plein d’appétence balnéaire.
Lu quelques papiers de Jean Rolin, histoire de reprendre un rythme de lecture souple.
Demain labeur, sans entrain.
22 avril.- Quelques belles soleillées au milieu d’un ciel flandrien, douceur latente. (21°C)
Cioran, cahiers, just a little. Une chronique de Bernard Frank. Quelques fragments de Guy Debord. Deux trois autre lectures indicibles. Je m’éparpille.
24 avril.- Soleil voilé. (22°C) Petit retour dans le journal de Stendhal. Le bougre est très précis sur ses dépenses, une chemise sans jabot lui coûte 15 louis, une avec jabot 27 louis, un gilet 18 louis… Nonobstant le bonheur d’habit et d’argent ne lui suffit pas. Il lui faut aimer et être aimé…
25 avril.- Labeur, ciel encombré, humidité latente, rien de bon. (18°C) Malade. Trop embarrassé pour pouvoir espérer sautiller plus que ça. Entamé Philosophie Sentimentale, petit opuscule de Frédéric Schiffter (philosophe sans qualités).
26 avril.- Temps de plus en plus maussade au fil de la journée. (20°C -> 17°C) Malade, agacé par une somme de picotements divers et variés. Philosophie sentimentale de Fréderic Schiffter, pas transcendant. Nietzsche, Pessoa, Schopenhauer, Pessoa, Montaigne avec un petit côté digest pas désagréable, mais forcement limitatif.
27 avril.- Averses fraicheur. (13°C) Toujours malade, douteux, mes avis n’auront donc qu’une valeur aléatoire. La petite philosophie sentimentale de Frédéric Schiffter est assez bien lorsqu’elle se contente de tournicoter gentiment autour de quelques courts arpents autobiographiques elle l’est beaucoup moins lorsqu’elle se veut presque sérieuse, résumant à gros traits une cargaison de concept qui ne lui demandait rien. Nothing else.
2.

29 avril.- Des nuages, quelques belles soleillées. (17°C) Arno Schmidt (1914–1979) vivait dans une maison entourée de grillages et de barbelés dont il ne sortait pour ainsi dire jamais. Un drôle de croquignolet qui ne pouvait manger que seul avec lui-même et travaillait jour et nuit tout en multipliant les attaques cardiaques comme d’autres multiplient les petits pains. Résultat une prose tarabiscotée, des mots valises, des lexies inusitées, un Joyce en pire… Il suffit de lire trois pages de Scènes de la vie d’un faune pour s’en convaincre : ce type était ailleurs, mais où ?
Le poète chinois Li Po (701-762) était lui aussi un brin croquignolet. Il serait mort noyé, une nuit d’ivresse, en tentant de saisir le reflet de la lune dans le fleuve Yang-Tse. Un trépas assez ballot, il faut bien l’avouer. C’est l’un des locataires d’ Entre source et nuage, joli spicilège concocté par François Cheng .
J’entame ces deux livres – le machin biscornu de Schmidt et le spicilège de Cheng - un peu de biais, en me méfiant. « Marcher jusqu’au lieu où tarit la source ; Et attendre, assis, que se lève le nuage. »
1 mai.-Beaucoup de nuages et une propension orageuse qui monte. (17°C)
« Seul à boire, sans un compagnon
Levant ma coupe, je salue la lune :
Avec mon ombre, nous sommes trois »
Hier soir vie sociale alcoolisée. Encore embrumé « fêté » le 1er Mai en écoutant l’internationale chantée par Robert Wyatt, mon léniniste préféré. Acquis un brin de muguet par la bande… Déçu par La théorie de la carte postale petit livre de Sébastien Lapaque lu dans la journée. Il m’inspirait pourtant, je l’imaginais léger et digressif en bien … Il ne l’est pas vraiment. Le style est assez peu sautillant. L’utilisation de l’imparfait et de la troisième personne du singulier faisant tanguer l’ensemble vers quelque chose de platement romanesque. Et puis Lapaque oublie JM Levet, c’est presque une faute de goût.
2 mai.- Météo saumâtre. (12°C)
« Que faites-vous ? – Je m’attends »
Not in the mood. Un petit tour du côté des poètes chinois (Entre source et nuages), un autre dans les Cahiers du roumain sceptique Cioran. Rien d’autre.
3 mai.- Averses patibulaires, vent sournois, quasi-froideur et teintes hivernales. Que diable, donnez-nous un « joli mai » ! (11°C) L’homme qui partit en fumée Le roman d’un crime, épisode 2. Martin Beck enquête sur la disparation d’un reporter suédois à Budapest. Sjöwall et Wahlöö font un peu de tourisme littéraire, frôlent le livre de voyage et c’est très bien ainsi : Budapest est une jolie ville. Le style est difficilement jugeable – c’est une traduction du suédois vers l’anglais puis de l’anglais vers le français - mais la façon est étonnamment moderne. Le livre donne l’impression d’avoir été écrit il y a six mois et seuls quelques menus détails nous rappellent qu’il a été écrit il y a plus de quarante ans. Le Rideau de fer, les Skoda vertes, les longs poils de jais qui s’échappent du slip de bains d’une naïade ultra bronzée, toutes ces cigarettes que l’on fume un peu partout (Bateaux, avions, salles de restaurants, piscines et bains publics…)
4 mai.- Météo changeante. Matinée fraîche et nuageuse. Après-midi plus conforme avec la saison censée nous occuper. Un coup de vent, de belles soleillées et une température qui grimpe. (8°C -> 19°C). Fini L’homme qui partit en fumée de Sjöwall et Wahlöö . Vraiment pas mauvais. La résolution de l’intrigue est assez surprenante et le coupable à quelque chose d’un coupable simonien (on ne lui en veut presque pas trop d’être coupable) .
Pour le reste toujours dans les poèmes chinois que François Cheng a remarquablement traduits et compilés.
5 mai.- Ciel céruléen, température quasi estivale. (24°C) Retour dans les merveilleux papiers de Jean Rolin. Un reportage en Écosse où tout le Pacte de Varsovie semble s’être donné rendez-vous, et ce, bien avant la perestroïka. Une descente du Nil parfaitement informée tout en étant désinvolte. Quelques lieux français plus ou moins abandonnés. Deux-trois îles plus petites les unes que les autres (l’une n’est qu’un banc de sable). Un immeuble conçu par Jean Nouvel. Un voyage en Chine où l’on condamne à mort pour un rien et où les chiens jaunes sont plus rôtis que cajolés (les chiens blancs sont épargnés). Les « événements » de Tian’anmen viennent de se dérouler et sent déjà fourmiller le capitalisme communiste chinois : « Les poules d’eau s’appellent d’une rive à l’autre.
Au loin le monde entier se fait la guerre. Assis sur mon lit, j’écoute et je réfléchis »
6 mai.- Couverture nuageuse jaunâtre, humidité latente. (17°C) Travaillé nuitamment. Passé la journée dans une suite de micro-siestes plus ou moins agréables. Encore chez Rolin, tigres et crocodiles mangeurs d’hommes, ce genre de bestioles homicides.
8 mai.- Temps maussade. (19°C) Entamé le « nouveau » Michael Connelly, Ceux qui tombent, le retour d’Harry Bosch. Deux affaires : un cold case et un crime plus frais. As usual, savoir-faire, sens du détail et précision journalistique. Et puis le roman d’une ville : Los Angeles.
Loin de toute efficacité retorse (Connelly is far) lu Les tours de Trébizonde, quatre petits textes en proses frôlant la poésie par Jean Tardieu. Belles phrases méandreuses, sourde inquiétude.
9 mai.- Soleil voilé, tiédeur sous chape. (23°C) J’aimerai me laisser aller tel que je devrais être : détaché et sans amarres, loin de toute contingence. Pour mon grand malheur, je suis très loin de mon vrai moi, saisi que je suis par les vicissitudes du labeur, le morne agrégat du quotidien.
Quelques poèmes chinois, courts et détachés.
10 mai.- La météorologie nationale annonçait une belle journée, il n’en fut rien. Une vague lueur jaunâtre sous une épaisse chape nuageuse, un petit vent frais et des illusions déçues. (20°C)
Poursuivi la lecture du nouvel opus de Michael Connelly. Le suspens n’est pas vraiment haletant, mais le plaisir toujours là ( topographie de Los Angeles).
11 mai.- Temps maussade et venteux. Une belle éclaircie en fin d’après-midi. Ceux qui tombent, Connelly. Intrigue assez poussive. Harry Bosch serait-il fatigué ? Lire Marcel Conche, philosophe et diariste.
12 mai.- Nuages. (15°C) Quelque chose me tourne autour. J’aimerai que ce quelque chose m’élève, me rende calme et gai. Il n’en est rien ce quelque chose me clou et me rend d’une tristesse incessante, inaltérable.
15 mai.- Tiédeur sous les soleillées. Du vent. (23 °C) Me laissant aller je suis en l’heureuse compagnie de mon moi le plus prégnant.
Picoré dans le Livre du Thé d’Okakura Kazuko. Assez agréable bien que destiné aux occidentaux ignorants : « La seule fleur connue pour avoir des ailes est le papillon »
16 mai.- Beau temps venteux. (22°C) Retour dans le Journal de Stendhal. L’ami Beyle y est de plus en plus coquin. Il « enfile » une duchesse , croise quelques demoiselles assurément « foutrable » et semble assez intéressé par une certaine Mme Genet dont il apprend par la bande qu’elle est charmante dans le plaisir et qu’elle a un si beau cul que la croisant il y a lieu d’être mille fois tenté de l’enc… (Selon son ami Jacquimenot qui aurait essayé trois fois sans parvenir à ses fins). Évidemment chez d’autres tout cela pourrait paraître un peu vulgaire, chez Stendhal il n’en est rien (il est plus coquet qu’autre chose).
17 mai.- Journée quasi estivale. Ciel IKB et tiédeur latente. (23°C) Arrosé mes plantes. Entamé Dernières nouvelles du martin-pêcheur de Bernard Chambaz. Plus qu’un « livre de voyage », un touchant mémorial voyageur élevé à la mémoire de son fils mort tragiquement il y a bientôt vingt ans. Chambaz traverse l’Amérique en vélo, par étapes de 160 km, d’est en ouest entre le Cap Cod et Los Angeles. Voyage en diagonale, la Pennsylvanie, un bout des Appalaches, l’État de New York, l’Ohio, l’Indiana et l’Illinois, si peu Chicago puis les plaines céréalières du Midwest. Terres modelées par la glaciation, bicoques de guingois, mobiles homes rouillés, motels décatis. Une autre Amérique, qui « supporte ses troupes » et semble tout ignorer de la plus élémentaire diététique. Cheminent Chambaz oublie assez la nature et le « paysage américain » il est ailleurs dans la perte et le chagrin. Le chagrin de Théodore Roosevelt perdant son fils abattu par l’aviation allemande en 1918, le chagrin du couple Lindbergh perdant son fils dans les circonstances que l’on sait, son propre chagrin perdant son fils dans un accident stupide sur une route du pays de Galles.
18 mai.- Journée magnifique. (25°C) Fini le livre de Bernard Chambaz, tranquillement entre ombre et soleil et sans ostentation. La seconde partie –entre Denver et Los Angeles – laisse un peu place au « paysage américain ». Chambaz passe non loin de Moab, du Grand Canyon ou de Monument Valley, mais il ne fait jamais vraiment le détour préfèrent rester sur sa route plus que sur celle du tourisme balisé. Ainsi nous traversons Blanding , Tuba City, Peach Springs, Lake Havasu City ou Apple Valley, petits coins paumés posés en bord de route. Pour le reste en dehors des pérégrinations vélocipédistes et des arpents voyageurs le livre est assez réussi et même parfois naïf en bien lorsque Chambaz ressuscite son fils pour quelques pages touchantes.
3.

19 mai.- Nuages et soleillées. (22°C) Picoré tous azimuts chez Joseph Joubert, chez Kakuzô, chez Cioran, chez Marcel Conche, chez Roger Caillois. Beaux éclats… « Le nom d’une chose n’en montre que l’apparence. Les noms bien entendus, bien pénétrés, contiendraient toutes les sciences. La science des noms ! Nous n’en avons que l’art, et même nous en avons peu l’art, parce que nous n’en avons pas assez la science. Quand on entend parfaitement un mot, il devient comme transparent ; on en voit la couleur, la forme ; on sent son poids ; on aperçoit sa dimension, et on sait le placer. Il faut souvent, pour en bien connaître le sens, la force, la propriété, avoir appris son histoire. La science des mots enseignerait tout l’art du style. Voilà pourquoi, quand une langue a eu plusieurs âges, comme la nôtre, les vieux livres sont bons à lire. Avec eux, on remonte à ses sources, et on la contemple dans son cours. Pour bien écrire le français, il faudrait entendre le gaulois. Notre langue est comme la mine où l’or ne se trouve qu’à de certaines profondeurs. »
20 mai.- Labeur. Soleil voilé. (21°C) Cioran était fait pour vivre dans un Empire qui craque. Il aurait aimé se prélasser dans la Vienne d’avant la guerre de 14. Il y aurait tournicoté autour d’Elizabeth d’Autriche, ce genre de choses. Malheureusement, il n’en fut rien, il se contenta de vivre dans la France d’après 1945, tournicotant autour de quiconque, restant septique et un poil morose, il faut bien l’avouer : « On n’imagine pas quelqu’un de plus bêtement sentimental que moi. Je traine toutes les tares de l’Europe centrale – comme une douce malédiction contre laquelle je ne veux même pas lutter »
23 mai.- Queue d’orage, ciel changeant. (23°C)
Un coup de ciseaux, peine perdue
Inextricable écheveau des nostalgies !
À la pointe du cœur
ce goût
toujours autre
inaccoutumable
Tu Mu (803 – 852)
Pour le fildefériste roumain Cioran, Blanchot et Bataille n’étaient que des balbutieurs de « choses profondes » à l’esprit confus et verbeux. Quant à l’ironie, à l’éclat, n’en parlons pas !
24 mai.- Cumulus ventrus et larges trouées ensoleillées. (23°C) Grosse fatigue. Perclus de douleurs. Quasi impotent et tenaillé. L’un des grands avantages de l’âge ? Plus assurément les effets nocifs du labeur.
Je lis l’autobiographie de Georges Sanders, Mémoires d’une fripouille. Acteur épatant, livre épatant. Drôle très drôle… Cynique ? Pas tant que ça. Je dirai plutôt, ailleurs, au-dessus. (Enfance anglo-russe, révolution saumâtre, jeunesse anglaise, pérégrinations patagoniennes, courte carrière de baryton, recyclage dans le cinéma, un méchant avenant, élégant, une canaille aristocratique que se tuera elle-même) : « Je suis un type qui se laisse aller, je me laissai donc aller jusqu’à la célébrité »
26 mai.- Ciel changeant, tentation pluvieuse. (21°C) Pour Joubert il faut que les mots se détachent du papier, c’est-à-dire qu’ils s’attachent facilement à l’attention, à la mémoire ; qu’ils soient commodes à citer et à déplacer : « les mots liquides et coulants sont les plus beaux et les meilleurs, si l’on considère le langage comme une musique ; mais si on le considère comme une peinture, il y a des mots rudes qui sont fort bons, car ils font trait ».
Mort de Jean Claude Pirotte, écrivain nimbé et conséquent, il nous (me) manquera.
27 mai.- Averses, fraicheur, rien de vraiment réjouissant. (13°C) Me suis promené posément dans le Pèlerin Chérubinique d’Angelus Silesius (Mystique franciscain disciple de Maitre Eckhart) : « Ami, j’arrête là. Si tu veux lire encore, va, toi-même deviens l’écriture et l’essence.». Nichts anderes
28 mai.- Ciel changeant, quelques belles trouées. (21°)
« Parce que j’ai la dimension de ce que je vois, Et non celle de ma taille. »
Fini les mémoires de Georges Sanders. Je n’ai pas grand-chose à en dire si ce n’est que c’est une belle chose frôlant le formidable. Je relis le Livre de l’intranquilité de Pessoa (Troisième édition parue en Mai 2011 et qui serait « définitive »). Évidemment, je me retrouve assez vite en symbiose avec celui que je considère comme l’un de mes frères secrets (N’y voyez aucune immodestie de ma part, je ne me compare aucunement à Pessoa, il a simplement pour lui les mots que je n’ai pas pour moi). J’aurai moi-aussi aimé écrire une autobiographie sans événements, l’autobiographie d’une âme qui s’évertue à ne pas vivre tout en cultivant sa haine de l’action comme on cultive une fleur en serre. Je n’en ai pas le talent, ma vie reste capricieuse et sans passion, je n’en suis pas le scribe, Pessoa le fait très bien à ma place : « Vivre une vie cultivée et sans passion, au souffle capricieux des idées, en lisant, en rêvant, en songeant à écrire, une vie suffisamment lente pour être toujours au bord de l’ennui, suffisamment réfléchie pour n’y tomber jamais. Vivre cette vie loin des émotions et des pensées, avec seulement l’idée des émotions, et l’émotion des idées. Stagner au soleil en se teignant d’or, comme un lac obscur bordé de fleurs. Avoir, dans l’ombre, cette noblesse de l’individualisme qui consiste à ne rien réclamer, jamais, de la vie. Être, dans le tournoiement des mondes, comme une poussière de fleurs, qu’un vent inconnu soulève dans le jour finissant, et que la torpeur du crépuscule laisse retomber au hasard, indispensable au milieu de formes plus vastes. Être cela de connaissance sûre, sans gaieté ni tristesse, mais reconnaissant au soleil de son éclat, et aux étoiles de leur éloignement. En dehors de cela, ne rien être, ne rien avoir, ne rien vouloir… »
To be continued
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No comments - N°104
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Karen Mantler - Farewell (1986)

« Moi, j'aime les chats. Les chats sont les tigres des pauvres diables. »
Karen Mantler est la fille de Carla Bley (fameuse cheftaine de clique brinquebalante) et de Michael Mantler (avant-gardiste itératif labellisé ECM). Farewell est une courte chose, son troisième album, assez formidable où elle évoque la mort de son chat Arnold ( l'une de ses plus grandes sources d’inspiration), et divers aspects de sa vie sentimentale. En l'écoutant on pourrait presque penser à une nouvelle Blossom Dearie accompagnée par le Robert Wyatt mid eighties (Robert est un ami de la famille). Percussions chantourneuses (c'est papa qui tambourine), petite fanfare désolée (maman est dans le coup), piano liquide, harmonica cherchant une hypothétique note bleue, voix de petite fille réveillée par le chagrin ; le bonheur d'être triste ou presque. Et puis les chats que voulez-vous..
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No comments - N°105
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Remake / Remodel N°28
« La musique a ceci de commun avec la poésie et l'amour, et même avec le devoir : elle n'est pas faite pour qu'on en parle, elle est faite pour qu'on en fasse ; elle n'est pas faite pour être dite, mais pour être « jouée »... Non, la musique n'a pas été inventée pour qu'on parle de musique ! N'est-ce pas la définition même du Bien ? Le Bien est fait pour être fait, non pas pour être dit ou connu ; et de même le mal est une manière de commettre l'acte plutôt qu'une chose sue ; bien et mal sont d'ordre sinon dramatique, du moins drastique * . Le bien est l'affaire des militants ! La poésie, en cela, n'est-elle pas une sorte de bienfaisance ? Faire comme on dit, et même faire sans dire * : telle serait sans doute la devise de celui dont toute la vocation intentionnelle est de faire, de faire transitivement * , de faire purement et simplement, et non pas de faire faire... Car qu'est-ce que la parole, sinon une action secondaire, une action avec exposant ou, mieux encore, comme dans l'art de persuader des rhéteurs, une action sur de l'action ? Le Dire est un Faire atrophié, avorté et un peu dégénéré : action en retrait ou simplement ébauchée, la parole est volontiers pharisienne * et n'agit qu'indirectement..., sauf bien entendu en poésie, où c'est le dire lui-même qui est le faire ; le poète parle, mais ce ne sont pas des paroles pour dire, comme les paroles du Code civil : ce sont des paroles pour suggérer ou captiver, des paroles de charme ; la poésie est faite, immédiatement, pour faire le poème, et la poétique, qui est un faire avec exposant, pour réfléchir sur la poésie. La même différence sépare en musique le créateur et le théoricien. On parle trop, aujourd'hui, pour avoir musicalement quelque chose à dire ! Tels les philosophes, oubliant de philosopher, parlent de la philosophie du voisin... » (Vladimir Jankélévitch, La Musique et l'Ineffable)
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Psychogeographie indoor (54)

« Je trouve de moins en moins de goût à tout, et même de ne trouver de goût à rien »(Fernando Pessoa,Le livre de l'intranquilité)
1.
30 mai.- Quelques nuages inoffensifs traversant un ciel bleu pâle. (22°C) Poursuivi ma relecture du Livre de l’intranquilité, en extérieur, entre nuages et soleillées dans un doux et tiède état semi-flottant avec pour seuls témoins quelques oiseaux, tout autant invisibles que chantants, et deux trois chats stoïques entre deux siestes.
Pessoa est merveilleux, il garde cette admirable capacité à nous rendre heureux alors qu’il reste continuellement engoncé dans sa solitude, son abandon, son manque d’entrain pour une existence qui l’assomme de tout son poids ontologique. Il nous rend heureux parce qu’il n’est jamais doloriste, jamais sinistre, faisant preuve d’une magnifique inaptitude au bonheur et d’une encore plus magnifique aptitude à le rêver (rêvons notre bonheur) : « Tout au fond, le Tage est un lac d’azur, et les collines de la rive sud semblent celles d’une Suisse aplatie. Un petit navire (un cargo noir à vapeur) quitte le port, du côté de Poço do Bispo, et se dirige vers l’embouchure du fleuve que je ne peux voir d’ici. Que tous les dieux me conservent, jusqu’à l’heure où disparaîtra mon aspect actuel, la notion claire, la notion solaire de la réalité extérieure, l’instinct de mon importance, le réconfort d’être si petit et pouvoir penser à être heureux »
Lire Plonger (Bernard Chambaz)
31 mai.- Journée estivale. (25°C) Lézardé tout en ajustant me lunettes de soleil d’une main et en tenant Le Livre de l’intranquillité d’une autre. Je dois dire que ma lecture fut d’un doux pointillisme et agrémentée de siestes tout autant bienfaitrices que passagères. Malgré mon état très alangui je suis tout de même parvenu à percevoir un « drôle d’écho » entre Pessoa et Proust, ce n’est pas rien. : « Nous n’aimons jamais vraiment quelqu’un. Nous aimons uniquement l’idée que nous nous faisons de ce quelqu’un. Ce que nous aimons, c’est un concept forgé par nous – et en fin de compte, c’est nous-mêmes », « Quand on aime, l’amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous ; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l’arrête, le force à revenir vers son point de départ, et c’est ce choc en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l’autre… ». Pour le reste j’ai arrosé plantes et fleurs avec pour moi la satisfaction du jardinier amateur.
1 juin.- Des nuages (22°C) Lever 7 h 30. Séance de psychogéographie, 2km au grès du hasard. Ré-entamé le Livre de l’intranquillité. Il y a certainement des jours sans Pessoa comme il y a des jours sans car je l’ai curieusement laissé choir et me suis rabattu sur une lecture moins essentielle (Les Morts de la Saint-Jean d’Henning Mankell, Wallender épisode 7). Du côté des petits tracas du quotidien mon ordinateur victime d’une surchauffe fatale j’ai bien failli trépasser calciné en sa compagnie. Demain départ pour Paris et le cimetière du Montmartre, je pense rendre une petite visite à Beckett, Cioran, Bove et consorts…
6 juin.- Soleil voilé. (22°C) Retour de Paris. Le parisien est globalement palot et chemine prestement en costume cravate dans les couloirs du métro. Affluence touristique raisonnable. Quelques asiatiques égarés, mais guère plus. J’ai posé deux pierres sur la tombe de Beckett, trois petits bouts de bois et un genou sur celle de Cioran, j’ai rigolé sous cape en constatant que la tombe de Jules de Gaultier était tout à fait cachée par celle de Gainsbourg puis j’ai « fait le Louvre» en courant (en passant par la porte des Lions) et la Tour Eiffel avant l’ouverture…
7 juin.- Temps estival, quasi canicule. (32°C) Vie sociale, trop de vie sociale, peu de temps pour la lecture. Nonobstant je suis toujours un peu chez Mankelll. Les morts de la Saint-Jean, dispensable, mais distrayant. Wallander se découvre diabétique, suant et pissant plus que de raison il lui faut faire face à un tueur maléfique. L’enquête est assez fluctuante un peu à l’image d’un taux de sucre qui monte et qui descend.
Pour faire bonne mesure lu trois pages de Pessoa.
9 juin.- Ciel blanc laiteux, chaleur indécente, caniculaire (34°C) Vie sociale, long week end alcoolisé. Peu avec mes mots. Toujours dans les Morts de la Saint Jean, pas loin d’être le meilleur de la série Wallander.
10 juin.- Grande tiédeur, air pesant et couleurs pâles (34°C) Quatre pages de Pessoa. rien de plus… trop chaud.
12 juin.- Appétence caniculaire, moiteur mékongaise. (33°C) Trop saisie par le labeur, rien lu, ou si peu. Sans mots à lire je n’y suis plus vraiment.
14 juin.- Vent et tiédeur, (28°C) N’y suis plus vraiment. Fini les Morts de la Saint Jean de Mankell (le meilleur Wallander?). Encore un peu avec Pessoa. Lu quelques chroniques de Patrick Besson, face au soleil et dans un vent quasi saharien. Disons que Besson est très parisien, pour le pire et pour le meilleur.
15 juin.- Nuages et vent, plus de fraîcheur. (23°C) C’est la métaphore qui distingue l’homme des autres animaux. L’homme, tout du moins l’homme un tant soi peu finaud, métaphorise. Les autres animaux jamais, ils chassent, jouent, copulent, se prélassent au soleil mais ne métaphorisent jamais.
J’entame Poésie de la pensée de George Steiner il y est question de métaphore et de bien autre chose. Des origines de la prose, des contacts synaptiques entre le raisonnement philosophique et l’expression littéraire et même de la libido mathématique chez Bergson et Wittgenstein. Steiner est diablement érudit, assez madré et toujours intéressant. Pour le reste toujours chez Pessoa, ce qui n’est pas rien.
17 juin.- Quelques passages nuageux, encore un peu de vent (23°C) Rien lu. Travaillé ma psychogéographie indoor. Regardé le soleil derrière les nuages. Rangé l’un de mes placards. Rien d’autre. Nichts anderes. Nothin else.
19 juin.- Soleil. (27°C) L’un de mes voisins ayant décider d’écouter un genre de gangsta rap français foutrement agressif tout en ouvrant ses fenêtres en grand, j’ai eu beaucoup de mal à me concentrer sur la moindre lecture. Néanmoins petit tour chez George Steiner, la sandale d’Empédocle, l’invention de l’oxymore, ce genres de choses. Tour un peu plus grand chez Joseph Joubert qui ne déçoit jamais : « Il serait singulier que le style ne fût beau que lorsqu’il a quelque obscurité, c’est-à-dire quelques nuages ; et peut être cela est vrai, quand cette obscurité lui vient de son excellence même, du choix des mots qui ne sont pas communs, du choix des mots qui ne sont pas vulgaires. Il est certain que le beau a toujours à la fois quelque beauté visible et quelque beauté cachée. Il est certain encore qu’il n’a jamais autant de charmes pour nous que lorsque nous le lisons attentivement dans une langue que nous n’entendons qu’à demi… »
21 juin.- Soleil, ciel IKB et température estivale. (28°C) Not in the mood. Poésie et pensée. Assez ennuyé par l’érudition paonnante de George Steiner. Il faudrait peut-être que je le lise un peu plus mal, d’un coup d’œil distrait et sans ostentation pour être vraiment avec lui ? Allez savoir ?
« Lire, c’est rêver en se laissant conduire par la main. Lire mal et d’un coup d’œil nous libère de la main qui nous conduisait. La superficialité dans l’érudition, voilà la seule façon de bien lire et d’être profond » (Fernando Pessoa)
22 juin.- Tiédeur, grande tiédeur. Quelques nuages, lourds et menaçants. (33°C) Toujours dans le coq à l’âne philosophique de l’ami Steiner (Poésie et pensée). Drôle de constatation : Trotski, Staline, Mao et même Enver Hoxha étaient aussi écrivains. Enfin plus qu’Hegel qui lui ne l’était pour ainsi dire pas du tout (il préférait échafauder ses petits concepts philosophiques à des altitudes bien éloignées de la littérature). Pour le reste encore un peu chez Pessoa, pas très marxiste, mais tout de même assez écrivain.
23 juin.- Tiédeur mékongaise. Net tendance orageuse.(30°C) Dans un état fluctuant, entre relâchement et indifférence, tout juste dérangé par une grosse mouche kamikaze qui s’est écrasée bêtement contre la vitre de l’une de mes fenêtres. Fait un petit tour dans les Cahiers de Cioran. Picoré dans L’air et les songes de Bachelard ( il ne déçoit jamais).
25 juin.- Tiédeur, quelques gros altostratus obscurs vaguement inquiétants.(28°C) Une ligne de Cioran, deux de Joubert c’est amplement suffisant pour « faire » ma journée : « Par peu d’être quelconque, j’ai fini par n’être rien », « Tenez votre esprit au-dessus de vos pensées et vos pensées au-dessus de vos expressions »
Pour le reste arrosé plantes et fleurs sous le regard d’un chat noir tout autant replet qu’indifférent.
2.

26 juin.- Rares nuages, soleil dominant. (28°C) So tired. Quelques pages de Pessoa. Lire Felix de Walser.
27 juin.- Tendance orageuse. Humidité 33%. Vent 6 km/h. (28°C) Cioran, Cahiers. Angelus Silesius, Le pèlerin chérubinique : « la vraie vacuité est comme un noble vase.
Contenant du nectar. Il recèle, mais ne sait quoi »
28 juin.- Ciel cireux, bourrasques et humidité prognathe. L’orage rôde, l’orage est bientôt là. (28°C)
Fatigué, sans inspiration, un peu absent, malade ? Felix de Robert Walser. Mince opuscule qui en vaut de biens plus replets. Extrait des « microgrammes », ces vingt-quatre épisodes frôlant l’autobiographique sont tout à fait merveilleux. On y retrouve l’esprit sérieux de l’enfant Walser, il n’y a pas plus sérieux que les enfants. Les interrogations de l’adolescent Walser, un début de doute… D’autre part retour dans le Pseudodoxia Epidemica de Thomas Browne. Contrairement à une idée reçue chez les anciens, le Caméléon ne se nourrit pas d’air, il est important de le savoir.
29 juin.- L’orage nous aura tourné autour sans jamais vraiment nous tomber dessus. Ce qui nous est par contre tombé dessus ce sont les températures, une chute vertigineuse, pas moins de 15°C perdus en moins de deux jours, c’est beaucoup. (17°C)
Léger retour dans les chroniques germanopratines de Patrick Besson. L’homme du point est toujours agréable à lire, comme ça au débotté, entre deux lectures censément cardinales. Chez lui j’ai pêché ce petit mot de Victor Hugo (poète cardinal) : « Souvent la foule trompe le peuple ». C’est déjà ça.
Otherwise, a little touch of Pessoa. It never disappoints.
30 juin.- Ciel changeant. (23°C) Angelus Silesius : « Le diable n’entend que le tonnerre, vacarme et craquements. Aussi pourras-tu trouver plaisir à la rendre par ta douceur fou à lier ». Joubert : « Il y a des pensées qui n’ont pas besoin de corps, de forme, d’expression. Il suffit de les désigner vaguement et de les faire bruire : au premier mot, on les entend, on les voit. »
Rien d’autre.
3 juillet.- Chaleur étouffante. (33°C) L’homme étant la seule bestiole capable de batifoler debout il peut donc assez facilement observer le ciel. Il lui suffit de pencher la tête en arrière et le tour est joué. Cela lui fait un point commun avec l’uranoscope un poisson osseux proche de la vive, qui ne sait pas se tenir debout, mais qui a les yeux adroitement situés sur la face supérieure de la boîte crânienne.
Pour le reste, ennuies judiciaires d’un ex-président zebulonesque, le pays s’ensable.
5 juillet.- Queue d’orage, moiteur. (27°C) Un peu trop saisi par les diverses manifestations sportives télévisées encombrant ce début d’été. Une Coupe du Monde de football qui s’achève un tour de France cycliste qui commence. Je me donne l’impression d’être un poisson rouge dévisageant un téléviseur depuis son bocal.
D’autre part, voisins bruyants. Je n’ai rien contre les « musiques urbaines » à forte tendance «vas y nique ta mère » mais je dois bien constater que les nuisances sonores sont l’un des pires totalitarismes de nos sociétés policées par les droits divers et variés.
Pour le reste, entamé l’Homme au balcon de Maj Sjöwall et Per Wahlöö. Le roman d’un crime épisode 3. Eté 1967, Stockholm, un sadique trucide deux fillettes comme cela au débotté. Belle sécheresse de style, crudité et économie de moyen. Ce côté toujours moderne et ces arpents sciences sociales au service du récit.
6 juillet.- Orages. (23°C) Je m’ennuie, tout me fatigue et même ce petit journal à goût censément littéraire. Déçu par l’Homme au balcon de Sjöwall et Wahlöö. Finalement trop factuel et désincarné.
7 juillet.- Pluie continuelle, quasi-fraîcheur (17°C) Poésie de la pensée, Steiner. Érudition décousue, érudition paonnante ? Petit tour dans les Cahiers de Cioran : « On devrait me donner l’ordre de travailler, d’écrire et même de vivre. »
10 juillet.- Pluie continuelle, température automnale. (16°C) Incapable de lire plus de trois pages. Incapable d’écrire plus de trois lignes. Trop embarrassé par le labeur, le temps maussade et l’air ambiant. Pourquoi vivre avec le poids de tant de contraintes sur le épaules alors que ?
11 juillet.- Pluie, pluie, pluie, pluie, pluie… (15°C) Rien, nothing, nada, ništa, nenio…
3.

12 juillet.- Encore cette pluie, cette quasi-brume et ces arpents automnaux. (17°C) J’ai entamé la lecture des Cahiers de Gustav Anias Horn de Hans Henny Jahn avec un curieux appétit au coin des babines. C’est le second volume de Fleuve sans rives et la suite du Navire de bois. Trente ans plus tard, Gustav Anias Horn entreprend d’écrire la somme de son existence. Voilà un drôle de journal intime, un machin tenaillé par les divers « détraquements »encombrant Hans Henny Jahn. Fascination pour la putréfaction des corps, la moisissure des âmes, les os en capilotade. La mort rôde et on se demande bien pourquoi il y a vie : « En tous les cas, il est malsain de tenir le passé pour quelque chose de réel, ou surtout pour quelque chose de vrai. L’être humain se transforme radicalement tous les sept ans. Ce ne sont plus les mêmes muscles. Ce n’est plus le même œil qui regarde la terre. Le sang a été plusieurs fois renouvelé. Une autre langue goûte aux mets. D’autres manies germent. Le vécu s’est envolé avec le souffle des poumons, et vidé avec l’eau des reins ; des nourritures évacuées, voilà ce qu’est le passé »
13 juillet.- Averses persistantes. (20°C) Hans Henny Jahnn. Les Cahiers de Gustav Anias Horn résolvent toutes les énigmes posées dans le Navire de bois (meurtre, mutinerie, naufrage). Pourtant rien de totalement éclairant, plutôt quelque chose d’embourbé en pire, de malsain en bien…
14 juillet.- Quelques soleillées éparse, guère plus. (22°C)
Vide, sans envie, aucune inspiration. Je ne me retrouve plus dans mes mots. Je m’assèche comme une fleur délaissée dans son pot. Mes cellules vieillissent, mon corps s’affaisse, et je me demande pour quelle drôle de raison je peux bien être là ; vivant encore, toujours un peu sautillant… En définitive, il est bien possible que je sois un mur de Planck à moi tout seul.
D’autre part toujours chez Hans Henny Jahnn. Perturbant, gênant, parfois génial et en tous les cas inlassablement encombré par de sinistres histoires de pourrissement sur pied. Une sensualité sybarite gouvernée par un goût tordu pour la déchéance des corps, vivants ou morts… une curieuse nympholeptie et une homosexualité tellement refoulée qu’elle explose en geysers malsains.
15 juillet.- Ciel dégagé, pas de vent, humidité 42 %, visibilité 10 km, pression atmosphérique 1021 mbar, indice UV 2. (25°C)
Quelque chose tourne, quelque chose s’élève. Je l’observe depuis des jours, mais elle ne m’inspire aucune phrase, aucun mot, non vraiment. Je vais me contenter de ne rien faire et de la subir comme un prisonnier subit son enfermement. Subir ne demande rien. J’ose simplement espérer que cette chose qui tourne et s’élève ne me tombera pas au coin du nez, je serai bien incapable de l’éviter.
Otherwise : Hans Henny Jahnn est terrifiant, vraiment. Le lire est une épreuve, se retrouver au plus profond de soi-même relève souvent de l’épreuve.
16 juillet.- Ciel bleu pâle, indice UV 4, grande tiédeur. On annonce des températures de plus de 35°C pour demain. (32°C)
Picoré chez George Steiner (Poésie de la pensée). Toujours ce coq à l’âne philosophique un brin tape à l’œil. Pertinent je ne sais pas, mais à coup sûr intéressant sur Wittgenstein et ses courtes phrases définitives.
Encore plongé dans les Cahiers de Gustav Anias Horn. Au fil de ma lecture Jahnn ressemble de plus en plus à un Conrad en pire. Tout du moins pour la partie maritime, pour le reste je vous laisse juge : « Ainsi à l’époque de Montezuma, les Mexicains exigeaient encore chaque année des tribus indiennes soumises dix mille jeunes gens pubères, qui étaient sacrifiés, au sommet d’une pyramide, au dieu de la guerre. Des prêtres ouvraient le thorax de ces victimes pitoyables, au-dessus du creux de l’estomac, avec des couteaux en pierre ou or. Puis ils plongeaient la main dans le corps pour en arracher le cœur palpitant. On découpait les cadavres en morceaux et les jetait au bas de la pyramide, afin que le peuple de la nation victorieuse qui campait alentour puisse se jeter dessus pour les dévorer. Un festin bienvenu pour accompagner le maïs quotidien. »
17 juillet.- Grande tiédeur. (34°C) Les Nouërs du Soudan lorsqu’ils ne pataugent pas dans les marécages du Nil, se teignent les cheveux en rouge vif. Pour ce faire, ils utilisent de la terre glaise, quelques bouses de vache et de l’urine de bœuf. N’y voyez rien de répugnant, l’urine de bœuf n’est pas moins estimable que le lait d’ânesse dans la Rome antique, tout est une question de point de vue. (Je tiens ces informations d’Hans Henny Jahnn… ), : « L’homme civilisé fait confiance à la stérilité comme aux canons. Ce n’est qu’un bruit vide, manquant de cœur. Il sait retrousser le nez. Ce n’est pas grand-chose ». Chez Steiner « la tortue de Zénon, la caverne de Platon le « malin génie » de Descartes ou les impératifs étoilés de Kant »
18 juillet.- Tiédeur mékongaise. (33°C) Trop de vie sociale. Fini le livre de Steiner (assez margoulin). Demain départ pour la Bulgarie.
To be continued
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No comments - N°106
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Solitude de l'audionaute de fond (1)
5 janvier 2015. Jimmy Giuffre, une vidéo sur YouTube. Rome des ombres, un trio doux et rond (A little melody). Giuffre est assez oublié, mais pourtant bien plus conséquent que nombres de jazzmens censément fameux. Une carrière longue comme mon bras gauche où il embrasse à peu près tout avec un bonheur égale (en gros du West coast sound aux bidouillages électroniques) et à son meilleur des teintes plus proche du blanc mallarméen que d'une quelconque note bleue. Moins rond, moins doux, moins mallarméen Frank Rosolino, scatteur fou, un type rempli d'humour que l'on surnommait « Lemon drop kid ». Destin tragique, il se suicidera après avoir tué deux de ses enfants.A l'écouter comme ça on ne dirai pas. (Rayon classique) Sublime, forcement sublime : Alfred Deller, Bach Mass in b minor Agnus Dei. Quelques lieds de Schubert par Hans Hotter.
6 janvier 2015. Trois merveilles de Francis Bebey : La condition masculine, Divorce Pygmée, The Coffee cola song. Humour à tous les étages, un Amos Tutuola chantant ? Peut-être bien plus, l’œuvre de Bebey étant plus prolixe et considérable qu'autre chose. Dans le genre Kraftwerk égaré dans la brousse un titre magnifique de William Onyeabor : When the Going is Smooth & Good. Difficile de trouver plus sautillant. Dans un genre moins africain une chanson de Sinatra réécoutée au débotté : I'm a Fool to Want You. Toujours diablement mélancolique et tout autant diablement puissante. Extraordinaire travail de Gordon Jenkins et la preuve que finesse et intensité peuvent faire bon ménage.
10 janvier 2015. Rien écouté depuis trois jours. Not in the mood (massacre de Charlie Hebdo and co). Aujourd'hui Diasporas de Ghédalia Tazartès, plombant et « déchirant ». Drôle d'écho avec ces quelques Cantors de Gershon Sirota que j'ai écouté avec un nœud dans la gorge et de l'humidité au coin des yeux.
11 janvier 2015. Henryk Górecki – Symphonie N°3. Eno – Music for airports. Nothing else.
12 janvier 2015. Jeanne Lee et Ran Black, When flamingoes fly. Sublime, forcement sublime. Cette voix en fin de souffle, tellement en fin de souffle qu’elle semble disparaître. La note blanche ? Annette Peacock - The Perfect release (1979). Son album le plus accessible, le moins jazz bidouilleur et le plus jazz-rock dans le sens de Steely Dan. Finition impeccable, voix sexy, détendue et loufoque. Quant aux lyrics, je vous laisse juges : « I don't need to take vvalium or opium to know how is feels to leave you. » .
Van Morrison – St Dominic Preview (1972) . Un début en fanfare ce Jackie Wilson said que les Dexy' s Midnight Runners reprendrons très bien. Deux titres extraordinaires, Listen to the lion et Almost indépendance day où Morrison renoue avec les épiques explorations mystiques d'Astral Weeks.
13 janvier 2015. Caravan - For girls who grow play in the night (1973). Pas l'un des sommets de l'école de Canturburry, mais un disque agréable avec de beaux arrangements, quelque chose d'éthéré et un joli art du contrepoint. The Astronauts – Peter Pan hits the suburbs (1981). Collectif anarchisant monté par un certain Mark Astronaut. Drôle de découverte, disque étonnant, oscillant entre les premières petites choses raides de The Fall et une sorte de musique folklorique imbibée à la façon de celle des Pogues. En écoutant tout ça on pourrait presque parler de hippie-punk, il y a de cela ; en chevelu. Moins Canterburry school et pas vraiment hippie-punk réécouté le premier album de Cinerama (le side project de David Gedge). Pas extraordinaire, mais assez agréable, Gedge y succombe à un léger lymphatisme pop assez éloigné de son habituelle raideur.
14 janvier 2015. Arto Lindlay - Mundo Civilizado (1996). Après avoir commis tout ce qu'il était possible de commettre dans le genre expérimental, jouer de la guitare avec des moufles, triturer des textures sonores plus brinquebalantes que mon genou gauche, Arto Lindsay fini par recouvrir un bien beau calme, un calme de crooner brésilien pas plus embarrassé que ça. Beau disque, dans la soie.
Lewis – Hawain Breeze (2015). nouvel OVNI de l'aéraulique Lewis Baloue. Intriguant comme de bien entendu mais assez vite lassant dans un genre assez catatonique il faut bien l'avouer. Pour le reste soirée erratique passée sur YouTube. Dennis Wilson – River song (demo sublime), Feelies Everybodys get something to hide (impec cover des Beatles), Tappa Zuki – Oh Lord (reggae chamarré), Renato Carosone – Maruzzella (magnifique), This Heat – Paper hats (raide et cahotant comme j'aime), Fall of Saigon – So long (YMG clone by Comelade).
15 janvier 2015. Décès de Kim Fowley, pour l'occasion je copie-colle l'une de mes courtes notules qui n'a certes rien de foudroyant mais a le mérite d'être un poil informative :
« Un fou, mais comme tous les fous qui se tiennent un peu, un fou qui invente sans cesse. Il commence par des tubes Bubble-gum pour teenagers acnéiques étasuniens, il s’installe un court moment en Angleterre et y produit Cat Stevens et Soft Machine à leurs débuts puis il retourne à Los Angeles où il participe au premier album des Mothers Of Invention. Il sort ensuite un tube croquignolet Thev’re Coming To Take Me Away sous le non de Napoléon XIV et compose et produit le dernier simple des Seeds. Il travaille avec le bluesman Texan Johnny Winter, avec Gene Vincent pour un album country avec Warren Zevon... Kim Fowley est chez lui partout, rock psychédélique, blues, country… Il participe même à la BO d’Easy Rider. Parallèlement à ses activités de « sorcier de studio », il mène une carrière solo débridée dans quelques albums complètement intrigants Good Clean Fun (1969) ou International Heroes (1973). En 1975 il invente les Runaways, fantasme spectorien assumé, avec une croquignolette de 15 ans : Joan Jett. C’est lui qui découvre les Modern Lovers, en 1971 et produit leurs premières maquettes. Ah!! Oui Spirit et Randy California “Future Games ” il est aussi dans l’histoire comme quoi les croquignolets peuvent naviguer dans les mêmes eaux avant de se noyer. Par charité on n'évoquera pas trop ses collaborations avec Kiss ou Motley Crue, et ses virées nocturnes à la recherche d’un hypothétique oiseau rare, de préférence très jeune et de sexe féminin.
Kim Fowley est un découvreur extraordinaire, qui saisit les talents naissants et les lâchent presque instantanément, ce n’est pas un calculateur qui désire faire carrière ou un démiurge fou comme Phil Spector. Plutôt un excentrique, un aristocrate du bon mauvais goût qui barbote heureusement dans la sous culture américaine et ne cherche rien si ce n’est l’immense plaisir de trouver. »
16 janvier 2015. Eyeless In Gaza - Pale Hands I Loved So Well (1982). Paru sur le label norvégien Uniton c'est l'un des meilleur enregistrement du duo de Nuneaton. Tons inquiétants, tambouille abstraite avec quelque chose de céleste dans le fond et puis deux grandes « chansons » : Blue Distance et Light Sliding.
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Psychogeographie indoor (55)

« On arrive à un moment dans la vie où on n’imite plus que soi ». (Cioran , Cahiers)
1.
28 juillet.- Averses, ciel chagrin. (17°C) La Bulgarie est un drôle de pays. On peut y serrer la main du Président , comme ça au débotté entre deux ruines romaines tandis que le chiendent pousse plus que de raison sur les trottoirs défoncés par le rude climat environnant. Les antiquaires vendent des « souvenirs » nazis pendant que de vrais Roms charbonneux passent assis dans d’ antédiluviennes carrioles traînées par de replets chevaux à la crinière proéminente. Les églises sont bien jolies quoiqu’un peu chargées au niveau de la décoration, les fidèles y ont la curieuse habitude d’embrasser plus que de raison une kyrielle d’ icônes un brin tape-à-l’œil ce qui n’est pas très hygiénique. Il y a de rares mosquées égarées d’où quelques muezzins, certainement turco-bulgares, muezzinent mélodieusement à l’unisson. Le Bulgare de base est globalement massif avec un côté indéniablement râblé qui pourrait faire dire de lui qu’il est fort comme un Turc. La Bulgare de base est globalement affriolante avec la cuisse gracile et ce petit air maussade qui fait toute la différence. Au niveau culinaire tout ce joli monde se nourrit de plats guère enthousiasmants généralement concoctés à base de choux et de pomme de terre. Le vin est presque bon, c’est déjà ça.
Sofia est une capitale un peu décatie, le centre-ville ressemble à celui de Belfort, en plus grand. Plovdiv est une ville médiévale qui s’ignore avec de bien réelles ruines et de bien jolis parcs. Au monastère du Rila, le plus haut lieu touristique du pays, les popes vous regardent un peu de biais. Nessebar est une petite ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, cela ne va pas durer, car elle est presque totalement envahie par une troupe de marchands du temple s’approvisionnant en République populaire de Chine. Nessebar est également dans ses abords une station balnéaire assez dépravée ou les jeunesses russes, hongroises, polonaises viennent faire la nouba slave. Varna bien qu’également en bord de mer Noire semble plus sage et en tous les cas plus encombrée par des restes de communisme latents. L’Hôtel Odessos est par exemple une sinistre merveille des temps collectivistes. Les ascenseurs ont des velléités homicides tandis que les couloirs sont plus kafkaïens qu’un procès de Moscou intenté à la bonne franquette. L’Interhotel à Veliko Tarnovo est encore pire en mieux. Le hall ressemble à un gymnase et les couloirs sont tellement longs que l’on pourrait y organiser sans problème un défilé du 1er mai. L’éventuel voyageur qui aurait la bonne opportunité de pouvoir se loger dans ce charmant endroit doit savoir qu’il lui faudra déposer son pistolet à la réception et qu’il n’y a pas d’eau chaude dans les douches.
Sofia est une capitale un peu décatie, le centre-ville ressemble à celui de Belfort, en plus grand. Plovdiv est une ville médiévale qui s’ignore avec de bien réelles ruines et de bien jolis parcs. Au monastère du Rila, le plus haut lieu touristique du pays, les popes vous regardent un peu de biais. Nessebar est une petite ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, cela ne va pas durer, car elle est presque totalement envahie par une troupe de marchands du temple s’approvisionnant en République populaire de Chine. Nessebar est également dans ses abords une station balnéaire assez dépravée ou les jeunesses russes, hongroises, polonaises viennent faire la nouba slave. Varna bien qu’également en bord de mer Noire semble plus sage et en tous les cas plus encombrée par des restes de communisme latents. L’Hôtel Odessos est par exemple une sinistre merveille des temps collectivistes. Les ascenseurs ont des velléités homicides tandis que les couloirs sont plus kafkaïens qu’un procès de Moscou intenté à la bonne franquette. L’Interhotel à Veliko Tarnovo est encore pire en mieux. Le hall ressemble à un gymnase et les couloirs sont tellement longs que l’on pourrait y organiser sans problème un défilé du 1er mai. L’éventuel voyageur qui aurait la bonne opportunité de pouvoir se loger dans ce charmant endroit doit savoir qu’il lui faudra déposer son pistolet à la réception et qu’il n’y a pas d’eau chaude dans les douches.
29 juillet.- Météo sinistrement automnale. (17°C) Passé la journée dans une étonnante gangue de mollesse tout en piquant du nez plus qu’à mon tour dans de courts états narcoleptiques. Rien pour moi.
Les Cahiers de Gustav Horn sont éprouvants de lecture (mort, décomposition, pédophilie latente) c’est pourquoi j’ai décidé de les laisser un temps de côté (les lisant il commençait à me venir des airs de bestioles au fond de son terrier). Je me suis rabattu sur une lecture moins perturbante, La pluie de néon de James Lee Burke, premier volume de la série David Robicheaux. Syle parfois ampoulé, mais tout de même pas mauvais. On pourrait dire de James Lee Burke qu’il est pour La Nouvelle-Orléans ce que Michael Connelly est pour Los Angeles, Lawrence Block pour New York, Denis Lehane pour Boston, René Belletto pour Lyon…
Les Cahiers de Gustav Horn sont éprouvants de lecture (mort, décomposition, pédophilie latente) c’est pourquoi j’ai décidé de les laisser un temps de côté (les lisant il commençait à me venir des airs de bestioles au fond de son terrier). Je me suis rabattu sur une lecture moins perturbante, La pluie de néon de James Lee Burke, premier volume de la série David Robicheaux. Syle parfois ampoulé, mais tout de même pas mauvais. On pourrait dire de James Lee Burke qu’il est pour La Nouvelle-Orléans ce que Michael Connelly est pour Los Angeles, Lawrence Block pour New York, Denis Lehane pour Boston, René Belletto pour Lyon…
30 juillet.- Journée essentiellement pluvieuse avec deux trois éclaircies tout autant tardives que timides.(22°C)
Toujours dans la Pluie de Néon de James Lee Burke. Intrigue violente et embrouillée mais la Louisiane est là, présente, pesante, c’est déjà ça.
Toujours dans la Pluie de Néon de James Lee Burke. Intrigue violente et embrouillée mais la Louisiane est là, présente, pesante, c’est déjà ça.
31 juillet.- Quelques velléités estivales, rares nuages, soleil coruscant et température ad hoc. (27°C)
Journée étonnante. Une visite médicale superfétatoire (serais je hypocondriaque?). Un pugilat entre voisins (les voisines se contentant de petits cris accompagnateurs à base de « nique ta mère, enculé »), l’été enfin là, toute cette humanité grasse s’échappant par les fenêtres ouvertes en grand.
Fini La pluie de Néon de James Lee Burke. En définitive pas si mauvais que ça, intrigue filandreuse, mais l’atmosphère de la Louisiane, que voulez-vous…
Lu quelques pages du Journal atrabilaire de Jean Clair. Cette petite somme diariste aurait pu me plaire, mais il n’en a rien été, Clair à beau citer Cioran à tour de bras il ne m’a pas fait sautiller plus que ça. Le lisant j’ai eu l’acrimonieuse impression de lire un vieux schnock courroucé d’un rien et pour rien, un type qui sauterait sur son chapeau en imaginant que le monde s’écroule autour de lui, bref un Muray en pire sans l’humour et la mauvaise foi. Retour dans les Cahiers de Gustav Horn, invariablement troublants. Nous voilà en Norvège, le paysage est fort joli, la mort et la putréfaction sont déjà là.
Journée étonnante. Une visite médicale superfétatoire (serais je hypocondriaque?). Un pugilat entre voisins (les voisines se contentant de petits cris accompagnateurs à base de « nique ta mère, enculé »), l’été enfin là, toute cette humanité grasse s’échappant par les fenêtres ouvertes en grand.
Fini La pluie de Néon de James Lee Burke. En définitive pas si mauvais que ça, intrigue filandreuse, mais l’atmosphère de la Louisiane, que voulez-vous…
Lu quelques pages du Journal atrabilaire de Jean Clair. Cette petite somme diariste aurait pu me plaire, mais il n’en a rien été, Clair à beau citer Cioran à tour de bras il ne m’a pas fait sautiller plus que ça. Le lisant j’ai eu l’acrimonieuse impression de lire un vieux schnock courroucé d’un rien et pour rien, un type qui sauterait sur son chapeau en imaginant que le monde s’écroule autour de lui, bref un Muray en pire sans l’humour et la mauvaise foi. Retour dans les Cahiers de Gustav Horn, invariablement troublants. Nous voilà en Norvège, le paysage est fort joli, la mort et la putréfaction sont déjà là.
1 août.- Soleil voilé, moiteur, mauvais présage.(28°C) La Norvège des Cahiers de Gustav Anias Horn n’est pas celle que nous faisons semblant de connaître, pas de tranquillité sociale-démocrate de rente pétrolière et ne niveau de vie surplombant, non au mitan du 20e siècle la Norvège était l’un des pays les plus pauvres d’Europe, une contrée aride et reculée habitée par des hommes un poil archaïques. Entre fjords et vallées, il n’était pas rare de voir moult crimes se commettre. Oh pas des petits crimes ! Non des crimes capitaux et plus définitifs qu’un trépas malvenu (viols, incestes, étranglements, crânes fracassés et tutti quanti). Au milieu de tout cela, le couple inventé par Hans Henny Jahnn (Gustav Anias Horn et Alfred Tuttein) est parfaitement à son aise.
D’autre part toujours dans la petite chose atrabilaire de Jean Clair. Les thèses étayées ne sont pas si indéfendables que ça, mais qu’elle prose corsetée, guindée en pire, quel manque d’humour ! Cela dit Clair pense très mal, c’est déjà ça : « Pourquoi n’eût-on pas plutôt demandé à Buren, avec ses toiles rayées, de commémorer la libération des camps en avril 1945 ? ».
D’autre part toujours dans la petite chose atrabilaire de Jean Clair. Les thèses étayées ne sont pas si indéfendables que ça, mais qu’elle prose corsetée, guindée en pire, quel manque d’humour ! Cela dit Clair pense très mal, c’est déjà ça : « Pourquoi n’eût-on pas plutôt demandé à Buren, avec ses toiles rayées, de commémorer la libération des camps en avril 1945 ? ».
2 août.- Restes orageux. (26°C) Lu le Dictionnaire du parfait cynique, choix d’aphorismes concocté par Roland Jaccard. Agréable sans plus, manque de liant, choix modérément pointus, cynisme pas si présent que ça, bref 5.24/10.
Poursuivi par le Journal atrabilaire de Jean Clair. Rien de vraiment sautillant non plus. Au risque de me retrouver bien haut et victime d’un certain vertige je me suis rabattu sur les Cahiers de Gustav Horn. Pages magnifiques sur la musique : haine de Richard Wagner, doutes face à Beethoven (du stuc baroque), amour de Mozart de Buxtehude de Bach.
Poursuivi par le Journal atrabilaire de Jean Clair. Rien de vraiment sautillant non plus. Au risque de me retrouver bien haut et victime d’un certain vertige je me suis rabattu sur les Cahiers de Gustav Horn. Pages magnifiques sur la musique : haine de Richard Wagner, doutes face à Beethoven (du stuc baroque), amour de Mozart de Buxtehude de Bach.
3 août.- L’orage nous aura tourné autour toute la journée pour mieux nous tomber sur le coin du nez en fin de journée. Pluie vigoureuse, similis grêlons, bourrasques. (26°C)
Toujours dans les Cahiers de Gustav Anias Horn, encore dans le Journal Atrabilaire de Jean Clair. L’un est toujours gênant en bien et ardu de lecture, je commence à appréciez un tout petit peu l’autre. Oh rien de bien sautillant, mais deux trois choses que je pourrais tamponner, celle-ci par exemple : « La mélancolie quelque chose à voir avec l’excrément, le stercus. Difficulté à digérer, ruminations hypocondrie, bile noire et recuite. Soleil charbonneux des viscères. Nabokov a raison de penser que le « cafard » est en réalité un scarabée, roulant sa bouse en caparaçon d’or. »
Toujours dans les Cahiers de Gustav Anias Horn, encore dans le Journal Atrabilaire de Jean Clair. L’un est toujours gênant en bien et ardu de lecture, je commence à appréciez un tout petit peu l’autre. Oh rien de bien sautillant, mais deux trois choses que je pourrais tamponner, celle-ci par exemple : « La mélancolie quelque chose à voir avec l’excrément, le stercus. Difficulté à digérer, ruminations hypocondrie, bile noire et recuite. Soleil charbonneux des viscères. Nabokov a raison de penser que le « cafard » est en réalité un scarabée, roulant sa bouse en caparaçon d’or. »
5 août.- Quasi beau temps. (25 C) Très saisi par le labeur. C’est plus qu’un problème et il est bien possible que je me délite corps et âme dans ce saisissement là.
Voisins bruyants. Tenté de lire quelques poèmes de Patrice de la Tour du Pin (poète catholique conséquent), entre deux éructations tenant plus de l’homme des cavernes que du langage articulé (en l’occurrence les éructations d’une femme, une nouvelle Lucie, allez savoir ?)
Voisins bruyants. Tenté de lire quelques poèmes de Patrice de la Tour du Pin (poète catholique conséquent), entre deux éructations tenant plus de l’homme des cavernes que du langage articulé (en l’occurrence les éructations d’une femme, une nouvelle Lucie, allez savoir ?)
7 août.- Impression de beau temps.(26°C) Quelques pages des Cahiers de l’équilibriste Roumain Cioran. Goethe, Kleist, Proust, Rilke. Ce dernier abusant d’un ton poétique proprement intolérable (je ne souligne pas).
2.

9 août.- Ciel changeant, tiédeur humide, sournoise. (30°C) Malade, enrhumé. Nouveaux voisins, bruyants comme il se doit. En contre-mesure écouté les Variations Goldberg de l’ami Bach (l’ami Gould chantonne très bien) puis la symphonie concertante ( pour hautbois, clarinette, basson, cor, orchestre et tout ce que vous voulez) de l’ami Mozart dirigée par l’ami Barenboim. Deux beaux moments musicaux raffinés qui m’ont un peu soustrait de la pesanteur avoisinante.
Tiens en parlant de musique je me suis fait à celle de Jean Clair elle a beau être grincheuse, bougonne, stridente en pire en refermant son Journal Atrabilaire je dodelinais presque de la tête en signe d’acquiescement. Picoré dans le Bardadrac de Gerard Genette. Faux dictionnaire réjouissant par un ancien doctrinaire à qui on ne la fait pas. Picoré dans les Mémoires d’un touriste du père Beyle. Le Dauphiné, Chambéry pas vraiment française et presque italienne…
Poursuivi les Cahiers de Gustav Henny Horn. Chevaux et « grande musique ». Saillies pour les uns, piano mécanique pour l’autre : « … ma symphonie va être jouée dans l’une de ces grandes villes, par un de ces grands orchestres, sous la direction d’un grand chef. Et qu’un de ces grands chœurs – des garçons qui ne se masturbent pas encore, des femmes capables d’avoir des enfants, des hommes qui ont souvent procréé – se plonge dan les harmonies étranges, dans les mesures que j’ai construites avec des signes – et toutes les bouches comme une seule, les jeunes comme les vieilles prononcent le texte, ce texte que j’ai choisi parce que je n’en ai pas trouvé de meilleur. Et tous entendent ce flot, le déchaînement et les plaintes des instruments et supposent peut-être que les violons et les cors, bassons, flûtes, trompettes, clarinettes, basses et trombones paraphrasent le même texte… »
Poursuivi les Cahiers de Gustav Henny Horn. Chevaux et « grande musique ». Saillies pour les uns, piano mécanique pour l’autre : « … ma symphonie va être jouée dans l’une de ces grandes villes, par un de ces grands orchestres, sous la direction d’un grand chef. Et qu’un de ces grands chœurs – des garçons qui ne se masturbent pas encore, des femmes capables d’avoir des enfants, des hommes qui ont souvent procréé – se plonge dan les harmonies étranges, dans les mesures que j’ai construites avec des signes – et toutes les bouches comme une seule, les jeunes comme les vieilles prononcent le texte, ce texte que j’ai choisi parce que je n’en ai pas trouvé de meilleur. Et tous entendent ce flot, le déchaînement et les plaintes des instruments et supposent peut-être que les violons et les cors, bassons, flûtes, trompettes, clarinettes, basses et trombones paraphrasent le même texte… »
11 août.-Restes orageux. Quelques ondées, une fraîcheur qui tend à poindre plus que de raison. (21°C)
« Pour un écrivain, il est préférable d’écrire sans rien dire que de lire. L’écriture est un exercice, la lecture ne l’est pas… Écrire une carte postale se rapproche plus d’une activité créatrice que de lire la Phénoménologie de l’esprit ».
Mort de Simon Leys. Sinologue conséquent et pourfendeur in vivo du grand timonier et de toute sa clique de révolutionnaires culturels semi-béats. Grande perte, au-delà du scientifique parfois partial (les années 1970 voulaient cela), un vrai écrivain…
Toujours dans les Cahiers de Cioran, en parallèle et à l’alternat entamé un court opuscule d’entretiens avec le même Cioran (chez José Corti). Becqueté un petit bout du Bardadrac de Gerard Genette, livre tout à fait réjouissant.
« Pour un écrivain, il est préférable d’écrire sans rien dire que de lire. L’écriture est un exercice, la lecture ne l’est pas… Écrire une carte postale se rapproche plus d’une activité créatrice que de lire la Phénoménologie de l’esprit ».
Mort de Simon Leys. Sinologue conséquent et pourfendeur in vivo du grand timonier et de toute sa clique de révolutionnaires culturels semi-béats. Grande perte, au-delà du scientifique parfois partial (les années 1970 voulaient cela), un vrai écrivain…
Toujours dans les Cahiers de Cioran, en parallèle et à l’alternat entamé un court opuscule d’entretiens avec le même Cioran (chez José Corti). Becqueté un petit bout du Bardadrac de Gerard Genette, livre tout à fait réjouissant.
12 août.- Temps frôlant le sinistre, nuages grisâtres et température semi-automnale. (20°C)
Plombé par le labeur. Sans envie, sans cogito. Je ne suis plus qu’une abstraction contrariée.
Plombé par le labeur. Sans envie, sans cogito. Je ne suis plus qu’une abstraction contrariée.
14 août.- Nuages, nuages ! (21°C) Rien.
15 août.- Averses mollassonnes puis un ciel changeant piqueté de soleillées tout autant rares que bienvenues. Fraîcheur relative. (21°C)
Il est bien possible qu’à la longue les Cahiers de Gustav Anias Horn soient d’une lecture assez plombée-plombante. C’est peut-être pourquoi il faut savoir les laisser mariner dans leur vil coin métaphysique pour mieux les reprendre avec un œil qui à défaut d’être plus léger sera à coup sûr moins embourbé. Pour combler l’attente, pour laisser mariner, je me suis rabattu sur Ma famille et autres animaux opuscule raisonnablement épais de Gerald Durrell et je dois dire que je ne suis absolument pas déçu. Loufoquerie familiale à tous les étages, humour anglais autour des bestioles, Corfou et cette magie insulaire qui vous enveloppe aussi doucement et de façon aussi tenace que du pollen… Le frère cadet de Lawrence Durell est vraiment très agréable à lire, sautillant, frais, drôle…
Il est bien possible qu’à la longue les Cahiers de Gustav Anias Horn soient d’une lecture assez plombée-plombante. C’est peut-être pourquoi il faut savoir les laisser mariner dans leur vil coin métaphysique pour mieux les reprendre avec un œil qui à défaut d’être plus léger sera à coup sûr moins embourbé. Pour combler l’attente, pour laisser mariner, je me suis rabattu sur Ma famille et autres animaux opuscule raisonnablement épais de Gerald Durrell et je dois dire que je ne suis absolument pas déçu. Loufoquerie familiale à tous les étages, humour anglais autour des bestioles, Corfou et cette magie insulaire qui vous enveloppe aussi doucement et de façon aussi tenace que du pollen… Le frère cadet de Lawrence Durell est vraiment très agréable à lire, sautillant, frais, drôle…
18 août.- Journée étonnamment estivale. (26°C)
« Tout son dans la musique doit avoir un écho ; toute figure doit avoir un ciel dans la peinture ; et nous qui chantons avec des pensées et qui peignons avec des paroles, nous devrions aussi, dans nos écrits, donner à chaque mot et à chaque phrase leur horizon et leur écho »
Depuis quatre mois j’ai pour voisin (dans l’immeuble situé à gauche par rapport à ma chaise de jardin) une sorte de rasta blanc invariablement accompagné par un chien galeux. Oh je n’ai rien contre les rastas blancs pas plus que je n’ai quelque chose contre les chiens galeux, le seul problème est que mon rasta blanc à le grand défaut de vouloir écouter une sorte de Ska festif à fort volume. Ce qui n’était au début qu’un léger désagrément accompagné d’une pointe de mépris goguenard de ma part, s’est transformé à la longue en un vrai problème. En effet J’ai bien du mal à lire quoique ce soit dans un tel tintamarre revendicatif (le ska festif est souvent revendicatif en plus d’être festif…). Ma concentration se perd dans de sournoises volutes d’agacement et presque à coup sûr je laisse choir mon volume avec un soupir résigné. J’ai bien essayé de lancer quelques cailloux par-dessus le mur qui nous sépare, mais sans effets visibles notables, mon voisin blanc à dreadlocks persiste à vouloir écouter son brinquebalant brouet musical (le ska festif est souvent brinquebalant). Voilà j’en suis là… .
Dans ces conditions tenté de lire quelques pages de Cioran (Cahiers, entretiens), Joubert (Pensées), Genette (Bardadrac).
« Tout son dans la musique doit avoir un écho ; toute figure doit avoir un ciel dans la peinture ; et nous qui chantons avec des pensées et qui peignons avec des paroles, nous devrions aussi, dans nos écrits, donner à chaque mot et à chaque phrase leur horizon et leur écho »
Depuis quatre mois j’ai pour voisin (dans l’immeuble situé à gauche par rapport à ma chaise de jardin) une sorte de rasta blanc invariablement accompagné par un chien galeux. Oh je n’ai rien contre les rastas blancs pas plus que je n’ai quelque chose contre les chiens galeux, le seul problème est que mon rasta blanc à le grand défaut de vouloir écouter une sorte de Ska festif à fort volume. Ce qui n’était au début qu’un léger désagrément accompagné d’une pointe de mépris goguenard de ma part, s’est transformé à la longue en un vrai problème. En effet J’ai bien du mal à lire quoique ce soit dans un tel tintamarre revendicatif (le ska festif est souvent revendicatif en plus d’être festif…). Ma concentration se perd dans de sournoises volutes d’agacement et presque à coup sûr je laisse choir mon volume avec un soupir résigné. J’ai bien essayé de lancer quelques cailloux par-dessus le mur qui nous sépare, mais sans effets visibles notables, mon voisin blanc à dreadlocks persiste à vouloir écouter son brinquebalant brouet musical (le ska festif est souvent brinquebalant). Voilà j’en suis là… .
Dans ces conditions tenté de lire quelques pages de Cioran (Cahiers, entretiens), Joubert (Pensées), Genette (Bardadrac).
21 août.- Quasi beau temps. (26°C) Lu quelques pensées de Joubert face au soleil : « Ceux qui ne pensent jamais au-delà de ce qu’ils disent et qui ne voient jamais au-delà de qu’ils pensent, ont le style très décidé. » Planté quatre fleurs, arrosé mes plantes, regardé un nuage passer tout en mangeant un très bon croissant, en somme rien d’épuisant.
22 août.- Belle journée, soleil, douceur… néanmoins quelques nuages tardifs. (25°C) Vaguement malade, barbouillé. Lu quelques poèmes de Patrice de la Tour du Pin , lumière chrétienne à tous les étages, petit halo sur le palier : « Dieu ne demande pas l’impossible, il le donne. »
23 août.- Repos. Journée péniblement maussade, nuages à foison, fraîcheur hors de propos.(19°C)
Hier soir, vie sociale, trop de vin. Enténébré pendant une grande partie de la journée. Poursuivi la lecture de Ma famille et autres animaux de Gérald Durrell. Merveilleux bestiaire : insectes divers et variés, volatiles circonspects, hibou apprivoisé, chiens fidèles et frères et sœurs excentriques.
Hier soir, vie sociale, trop de vin. Enténébré pendant une grande partie de la journée. Poursuivi la lecture de Ma famille et autres animaux de Gérald Durrell. Merveilleux bestiaire : insectes divers et variés, volatiles circonspects, hibou apprivoisé, chiens fidèles et frères et sœurs excentriques.
24 août.- Fond de l’air assez frais contrebalancé par de larges et franches soleillées. (23°C)
Terminé Ma famille et autres animaux, livre charmant souvent très drôle et parfois vraiment captivant. Il faut dire que chez le plus jeune des frères Durrell un combat entre un Gecko et une mante religieuse prend des allures homériques (les autres bestioles plus ou moins croquignolettes qui sautillent un peu partout ne sont pas en reste). Les esprits retors reprocheront un certain goût pour l’anthropomorphisme, chaque bestiole ayant pour elle une personnalité bien marquée, ils auront tort ce n’est que de l’écume, le livre est vraiment très bien. (La famille Durell est aussi constituée de bestioles croquignolettes sautillant un peu partout, une mère presque indifférente dans les maelstroms divers et variés, une sœur qui ne pense que bronzage et lotion anti-acné, un frère qui tire sur tout ce qui bouge, un autre frère, le fameux Larry, cassant et presque toujours cocasse dans ses répartis).
Fini l’après-midi dans les Cahiers de Cioran, ce petit mot : « On arrive à un moment dans la vie où on n’imite plus que soi ».
Terminé Ma famille et autres animaux, livre charmant souvent très drôle et parfois vraiment captivant. Il faut dire que chez le plus jeune des frères Durrell un combat entre un Gecko et une mante religieuse prend des allures homériques (les autres bestioles plus ou moins croquignolettes qui sautillent un peu partout ne sont pas en reste). Les esprits retors reprocheront un certain goût pour l’anthropomorphisme, chaque bestiole ayant pour elle une personnalité bien marquée, ils auront tort ce n’est que de l’écume, le livre est vraiment très bien. (La famille Durell est aussi constituée de bestioles croquignolettes sautillant un peu partout, une mère presque indifférente dans les maelstroms divers et variés, une sœur qui ne pense que bronzage et lotion anti-acné, un frère qui tire sur tout ce qui bouge, un autre frère, le fameux Larry, cassant et presque toujours cocasse dans ses répartis).
Fini l’après-midi dans les Cahiers de Cioran, ce petit mot : « On arrive à un moment dans la vie où on n’imite plus que soi ».
25 août.- Nuages, nuages, nuages… (23°C) Nuageux, comme le temps. Retour dans le Journal de Stendhal, quelques dames aisément foutrables et des comptes d’apothicaires. Retour dans les pensées de Joubert : « Il faut, dans les comparaisons, passer du proche au loin, de l’intérieur à l’extérieur, et du connu à l’inconnu. Il ne suffit pas en effet qu’elles soient justes, il faut encore qu’elles soient claires, et elles ne peuvent le devenir que lorsque l’objet auquel on compare est plus familier, plus apparent que l’objet comparé. »
à lire : Journal de Voyage d’un philosophe (Keyserling), Villes bigrement exotiques (Crad Kilodney), Journal (Philippe Jullian)…
à lire : Journal de Voyage d’un philosophe (Keyserling), Villes bigrement exotiques (Crad Kilodney), Journal (Philippe Jullian)…
28 août.- Beau temps chaud. (27°C) D’humeur assez badine. Taillé ma haie, arrosé mes plantes, Lu quelques pages du journal de Stendhal. 1811 est une assez bonne année, pas de maladie à signaler alors qu’en 1810 une vérole et pire, en 1809, une vérole et DEUX chaudes-pisses. Stendhal à 28 ans, il vadrouille là et ailleurs, envoie des fleurs artificielles à Mme Daru, se regarde vivre avec délectation…
29 août.- Ciel chargé et chaleur atrabilaire, l’ humidité rôde, l’humidité est là. (27°C) Saumâtre labeur, j’y perds mon temps, ma santé et mon moral. Nonobstant retour dans les Cahiers de Cioran. Crise « funèbre » tout prend à ses yeux yeux un visage de mort . Rhumatisme et névrite par temps de grands froids ou de grandes chaleurs, il traîne la patte gauche (moi c’est la droite). Rien pour lui, rien pour moi…
3.
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30 août.- Journée agréable, soleil tout juste voilé par quelques nuages épars. Température agréable. (25°C)
« L’art consiste à faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons, à les libérer d’eux-mêmes, en leur proposant notre personnalité comme libération particulière. L’impression que j’éprouve, dans sa substance véritable qui me fait l’éprouver, est absolument incommunicable : et plus je l’éprouve profondément, plus elle est incommunicable. Pour que je puisse par conséquent, transmettre ce que je ressens à quelqu’un d’autre, il me faut traduire mes sentiments dans son langage à lui, autrement dit exprimer exprimer les choses que je ressens de telle façon qu’en les lisant, il éprouve exactement ce que j’ai éprouvé »
Parmi les quelques inconvénients de la lecture en outdoor il y a bien évidemment les nuisances sonores qui éparpillent votre concentration et vous laissent posé dubitatif devant un texte que vous ne comprenez plus. Il y a aussi la météo capricieuse, le sens du vent, les nuages et même de temps à autre quelques bestioles qui vous tournicotent autour (insectes, petits félins domestiques, volatils divers et variés). Tenez, pas plus tard que cet après-midi un oiseau sournois tout autant qu’incommodé s’est permis de fienter sur la page 317 du Livre de l’intranquillité que je venais de rouvrir. Vous allez me dire qu’une page barbouillée c’est toujours moins pire qu’un crâne souillé (je suis globalement assez chauve), mais ce n’est pas une raison. Cette fiente était certes assez peu conséquente, une petite goutte marron foncé que j’imagine sans peine avoir un goût de noisette, mais elle ma sournoisement fait dériver au plus près des rivages ensablés du désappointement. Pour le reste, je suis toujours en parfait accord avec Fernando et plein d’une affection toute confraternelle : « Encore des crépuscules, des tenues négligées, des éventails refermés : et cette lassitude d’avoir été contraint de vivre… ».
Plus tôt dans la journée achevé la lecture du premier tome des Cahiers de Gustav Anias Horn. En somme un grand livre malade, un grand livre terrifiant, un grand livre perturbant, un grand livre tout ce que vous voulez ! « Nous nous étions couchés l’un sur l’autre comme si nous étions fondus en devenant du purin. Comme les morts, les vrais morts. Et au dessus de nous, tel un immense couvercle de cercueil la montagne de diamant de la gravitation avec toutes les étoiles gelées ».
To be continued

30 août.- Journée agréable, soleil tout juste voilé par quelques nuages épars. Température agréable. (25°C)
« L’art consiste à faire éprouver aux autres ce que nous éprouvons, à les libérer d’eux-mêmes, en leur proposant notre personnalité comme libération particulière. L’impression que j’éprouve, dans sa substance véritable qui me fait l’éprouver, est absolument incommunicable : et plus je l’éprouve profondément, plus elle est incommunicable. Pour que je puisse par conséquent, transmettre ce que je ressens à quelqu’un d’autre, il me faut traduire mes sentiments dans son langage à lui, autrement dit exprimer exprimer les choses que je ressens de telle façon qu’en les lisant, il éprouve exactement ce que j’ai éprouvé »
Parmi les quelques inconvénients de la lecture en outdoor il y a bien évidemment les nuisances sonores qui éparpillent votre concentration et vous laissent posé dubitatif devant un texte que vous ne comprenez plus. Il y a aussi la météo capricieuse, le sens du vent, les nuages et même de temps à autre quelques bestioles qui vous tournicotent autour (insectes, petits félins domestiques, volatils divers et variés). Tenez, pas plus tard que cet après-midi un oiseau sournois tout autant qu’incommodé s’est permis de fienter sur la page 317 du Livre de l’intranquillité que je venais de rouvrir. Vous allez me dire qu’une page barbouillée c’est toujours moins pire qu’un crâne souillé (je suis globalement assez chauve), mais ce n’est pas une raison. Cette fiente était certes assez peu conséquente, une petite goutte marron foncé que j’imagine sans peine avoir un goût de noisette, mais elle ma sournoisement fait dériver au plus près des rivages ensablés du désappointement. Pour le reste, je suis toujours en parfait accord avec Fernando et plein d’une affection toute confraternelle : « Encore des crépuscules, des tenues négligées, des éventails refermés : et cette lassitude d’avoir été contraint de vivre… ».
Plus tôt dans la journée achevé la lecture du premier tome des Cahiers de Gustav Anias Horn. En somme un grand livre malade, un grand livre terrifiant, un grand livre perturbant, un grand livre tout ce que vous voulez ! « Nous nous étions couchés l’un sur l’autre comme si nous étions fondus en devenant du purin. Comme les morts, les vrais morts. Et au dessus de nous, tel un immense couvercle de cercueil la montagne de diamant de la gravitation avec toutes les étoiles gelées ».
31 août.- Temps fluctuant, tanguant plus souvent vers le morose que vers le lumineux. Cependant, une belle éclaircie accrochée entre 14h30 et 16h05. (23°C) Lu le tapuscrit d’une amie non virtuelle et vraiment palpable, scientifique sensible, bachelardienne, presque… Toujours avec Pessoa, tamponnant avec une amabilité touchée la plupart de ses affirmations… Son désespoir tranquille, son effacement et sa façon de ne pas être au monde, car le monde appartient à ceux qui ne ressentent rien. Pour le reste voisins toujours bruyants, un « barbecue tapageur » à gauche, des enfants sautant dans une piscine à droite. Le Ska festif de mon rasta blanc flottant un peu partout. Cela ne va pas durer, une voisine acariâtre à prévenue la Police, qui est passée.
1 septembre.- Ciel dégagé, du vent. (22°C)
« Lorsque l´automne vient, Je me souviens
Et dans mon cœur Soudain, j´ai peur »
Septembre là, me voilà posé devant un soleil déjà trop bas, fermant les yeux et me laissant dominer par mes sensations, tentant d’oublier le temps qui passe, écoutant September Song chantée par Jimmy Durrante, c’est certainement la plus belle version de cette merveille concoctée par l’ami Weill (les versions de Johnny Hartman et Jean Sablon son très bien aussi). Lu quelques planches de Charles M Schultz, il y était question de feuilles mortes et de « rentrée »), lu une chronique de Vialatte, il y était encore question du grand retour du mordoré et de septembre : « Voici septembre et sa lumière oblique, la plus belle lumière de l’année. Elle frise argente et fait des ombres longues. Le colchique fleurit dans les prés froids. La Voie lactée occupe le tiers du ciel. On l’appelait le chemin de Saint-Jacques. Jamais il n’y eut tant d’étoiles. On entend au loin rentrer un char… »
« Lorsque l´automne vient, Je me souviens
Et dans mon cœur Soudain, j´ai peur »
Septembre là, me voilà posé devant un soleil déjà trop bas, fermant les yeux et me laissant dominer par mes sensations, tentant d’oublier le temps qui passe, écoutant September Song chantée par Jimmy Durrante, c’est certainement la plus belle version de cette merveille concoctée par l’ami Weill (les versions de Johnny Hartman et Jean Sablon son très bien aussi). Lu quelques planches de Charles M Schultz, il y était question de feuilles mortes et de « rentrée »), lu une chronique de Vialatte, il y était encore question du grand retour du mordoré et de septembre : « Voici septembre et sa lumière oblique, la plus belle lumière de l’année. Elle frise argente et fait des ombres longues. Le colchique fleurit dans les prés froids. La Voie lactée occupe le tiers du ciel. On l’appelait le chemin de Saint-Jacques. Jamais il n’y eut tant d’étoiles. On entend au loin rentrer un char… »
2 septembre.- Ciel nettoyé, vent frais. (23°C) Drôle d’écho entre Pesso et Cioran : « Seule est noble, seule est digne la stérilité. Seul le meurtre de ce qui n’a jamais été est rare, sublime autant qu’absurde » Rien d’autre.
4 septembre.- Beau temps chaud… inespéré. (27°C) Le labeur loin de moi et le soleil devant moi je me suis quasi endormi sur ma chaise de jardin et après une petite heure de flottement entre sommeil et lymphatisme triomphant je me suis retrouvé presque au-dessus de moi-même. C’est dans cet état que j’ai rouvert le Livre de l’intranquilité de l’ami Soares. Expérience étonnante, mémorable.
To be continued
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Solitude de l'audionaute de fond (2)
17 janvier 2015. Wil Stratton – Gray Lodge Wisdom (2014) L’année dernière Wil Stratton a failli mourir, une mauvaise et longue maladie, de celle dont on ne réchappe généralement pas. Il s’en est sorti et a pu finir Gray Lodge Wisdom un album enregistré, avec la foi du charbonnier et sans plus de lourdeur que ça. Le résultat est magnifique, détaché et flottant sur la face la plus lumineuse du spleen drakien. Huit chansons, pas plus et le simple bonheur d’être encore là, toujours petit face au monde.
John Cale – Animal Justice (1977) un Ep enregistré pendant la période la plus problématique de John Cale. Celle où il lui prenait l'idée de décapiter des poulets sur scène tout en prenant des airs d 'agité du bocal. Quatre titres, deux vraies merveilles : Chickenshit, ode aux poulets sans tête et Hedda Gabber une longue suite échafaudée à partir d'une pièce d'Ibsen ; l'une des plus belles choses enregistrées par John Cale.
18 janvier 2015. Stephen Steinbrick – Arranged Waves (2014). Découvert sur les bons conseils de quelques amis virtuels (et bienheureusement impalpables). C'est un joli disque tranquille, un peu adult-rock mid seventies mais tout de même assez près de l'os. Steinbrick chante avec une voix de soprano pas gêné par la testostérone, les guitares carillonnent, tout est pour le mieux.
19 janvier 2015. Quelques sonates de Scarlatti par Pierre Hentai. Interprétation à la limite de la dissonance, avec quelque chose de presque punk sur les bords. Plus tranquille les mêmes sonates par l'indépassable Martha Argerich.
20 janvier 2015. Wah! - Nah = Poo – The Art of Bluff (1981) Assez inégal mais sincère. Deux chansons extraordinaires : Somesay et Seven minutes to midnight, mètres étalons postpunks pleins de crudité où la voix de Pete Wyllie fait merveille. (Des mêmes il y a une excellente Peel Session que l'on peut écouter à cette adresse là)
Quelques croquignoleries d'Ivor Cutler écoutées au débotté sur YouTube. Un drôle de bonhomme (c'est lui qui chante à la fin de Rock Bottom).
21 janvier. Tom Rush – St (1970). L'un des meilleurs albums de Tom Rush avec cette voix constamment magnifique et un choix de compositeurs infaillible. Trois ballades splendides (Childs song, Colors of the sun, Old man song). Kevin Ayers – Whatevershebringswesing (1972) Le dernier album de Kevin le lymphatique avec David Bedford et le tout jeune Mike Oldfield. Robert Wyatt fait une apparition dans les limbes. Une belle cohorte de hippies indolents oscillant entre le sautillant et le vaguement sautillant (le très lou reedien Strangers in blue shoes)
22 janvier 2015. Spirit – Future games (1977) Le bidule le plus zapiste de l'ami Randy California. Une suite de petits tableaux collés les uns avec les autres et qui forment un tout homogène. Disque rêveur qui anticipe les techniques du sampling bien avant l'heure légale (des bouts de vieux disques, une radio sur ondes courtes, un air hawaïen qui trottine). The Necessaries – Event horizon (1982) L'un des nombreux projets d'Arthur Russell. Casting intriguant,(Jesse Chamberlain ex Red Krayola, Ernie Brooks ex Modern Lovers) pour une musique qui pourrait parfois ressembler à une heureuse coalescence entre les Feelies de Crazy Rhythms et Polyrock le groupe postpunk produit par l'animal répétitif Phil Glass.
23 janvier 2015. The Red Krayola - God Bless the Red Krayola and All Who Sail with It (1968) Pierre angulaire brinquebalante, des mélodies en dents de scie jouées sur des instruments que les musiciens semblent avoir trouvés par hasard sur le palier du studio. Mayo Thompson mériterait plus que ces quatre lignes, il pourrait bien être plus considérable qu'il n'y paraît. Écoutez ses disques pour vous faire une petite idée (et notamment son vrai faux album solo Corky's Debt to His Father). Mort d'Edgard Froese l'un des trois Tangerine Dream originel. Pour cette occasion un peu triste réécouté Stuntman son album de 1979. Vraiment très bien et pas si « planant » que ça.
24 janvier 2015. Journée erratique passée sur YouTube, picorant un peu au hasard de Bill Withers (Better Off Dead) à Véronique Sanson (Le Maudit) de Arthur Russell (A Little Lost) à Gary Windo (Baby Fatele), de Chris And Cosey (Heartbeat) au Dwight Twilley Band (Looking For The Magic). De l'hétéroclite, mais que du bon.
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Echo & The Bunnymen - Peel Session # 14
All My Colours Turn To Cloud
That Golden Smile
Heaven Up Here
Turquoise Days
That Golden Smile
Heaven Up Here
Turquoise Days
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Solitude de l'audionaute de fond (3)
25 janvier 2015. Véronique Sanson – Le Maudit (1974) Vous allez certainement bondir d'affliction, mais il faut que vous sachiez que j'aime sincèrement Véronique Sanson et particulièrement ses premiers disques que je place assez haut dans mon petit panthéon musical. Ainsi ce Maudit enregistré en 1974. C'est son premier disque « américain », son premier sans Michel Berger, son premier après cette rupture incongrue que l'on ne saurait ignorer (je suis assez midinette). Une Sanson qui semble un peu chanter à côté d'une petite armée de musicien west-coast ultra compétent. Étonnamment c’est ce léger décalage qui fait beaucoup pour le charme du disque, ce qui pourrait sembler comme plaqué, Sanson vient d'ailleurs, de la « musique classique », de Barbara et de la « chanson française » fonctionne merveilleusement, il y dichotomie et alchimie, c'est un tour de force. (Quant à la relation Berger/Sanson c'est presque du Sirk/McCarey.)
26 janvier 2015. D'aucuns me trouveront un tantinet snob, mais je dois avouer un certain goût pour la littérature hongroise et le post-punk japonais. Pour ce qui est de la littérature hongroise, il faut lire Dezsö Kosztolanyi, pour ce qui est du post-punk japonais il faut écouter Aunt Sally. Je ne sais pas s'il est recommandé de lire l'un en écoutant l'autre, mais c'est ce que j'ai fait, en sautillant un peu. Paul Simon – There Goes Rhymin (1973) Le second album de Paul Simon en partie enregistré dans les studios de Muscle Shoals. Une collection de chansons optimistes, une berceuse, une déclaration d'amour filiale, un peu de mièvrerie, mais juste ce qu'il faut pour ne pas entraîner l'auditeur vers les glutineux rivages du coma diabétique.
27 janvier 2015. Elvis Costello – Get Happy (1980) L'une des meilleures productions de Declan le fielleux. Un disque qu'il faut savoir apprivoiser tant il peut paraître hermétique de prime abord. Costello n'y a presque plus la voix de roquet arrogant qu'il avait dans ses trois formidables premiers disques, il semble un peu ailleurs, un peu monolithique, presque désabusé et asthénique. Il faut tendre l'oreille pour percevoir les quelques infimes variations de sa voix, un demi-ton par ci, une intonation un peu différente par là. Évidemment, Costello noie le poisson et ce que nous percevons comme monocorde n'est en fait que la manifestation d'une toute nouvelle subtilité. Plus de subtilité pour moins d'arrogance. Les compositions sont à l'identique, apparemment monochromes (un digest de ce qui c'est fait de mieux entre 1955 et 1968), mais finalement bien plus colorées qu'il n'y paraît (on parlera de finesse de touche). Des riffs basiques, des nappes d'orgues en autarcie et des histoires intimes, terriblement intimes. Écoutez New Amsterdam, l'un des incontestables highlights de Costello.
28 janvier 2015. Howlin» Wolf, un vrai musicien, un « professionnel ». Un « proud to be black » avant l’heure légale, une bête de scène et un isthme sexuel à lui tout seul. Son importance est considérable. Il est l’invité des Rolling Stones quand ceux-ci passent à TV américaine (Shindig, 1965). On ne voit que lui, les « vedettes anglaises » sont assises à ses pieds comme des petits enfants oubliés à la crèche, la séquence est formidable.
Danny Whitten était le premier guitariste de Crazy Horses un type tellement saisi par les problèmes d’héroïne que Neil Young le virera un soir de 1972. Tragique coïncidence Whitten trépassera le soir même d'une surdose hasardeuse de Valium et de vodka. Young restera un brin traumatisé par cette histoire et lui dédiera son album le plus sombre Tonight the Night(1975). I' dont Walk to talk about est la plus belle chose laissée par Whitten, une ballade des cœurs brisés qui sera popularisée dans la guimauve par Rod Stewart mais qui ici chantée par son auteur prend des airs aussi déchirants que les plus déchirantes plaintes de Gene Clark.
29 janvier 2015 Jack Teagarden – Think Well (1962) L'un des derniers enregistrements du grand Jack Teagarden. Une merveille avec cette voix qui déraille dans le velouté, cet inimitable accent texan et ces cordes empourprées. Écoutez Dont smoke in Bed, indépassable.
Deux trois choses piochées au hasard de mes pérégrinations virtuelles : Colin Blunstone chante Say You Mind une chanson de Denny Laine. Voix fabuleuse. La très jeune Cat Power derrière sa guitare triangulaire chante sa plus belle chanson, on a envie de la prendre dans ses bras. Rickie Lee Jones et son fameux béret rouge. Carole King pieds nus, de l'or dans les rideaux, un chat dubitatif et un mètre étalon adult rock. Cliff Edwards et son Ukulele fatal, Richard Manuel dans une version alternative de Whispering Pines qui pourrait faire fondre le premier bloc de marbre monolithique qui passe (j'en pleure encore).
30 janvier 2015. Acetone – Acetone (1997) Quatrième album d'Acetone. Certainement le moins bon. La musique semble s'y évaporer dans l’éther tandis que le groupe s'enfonce dans un puits de tristesse sans fond. D'Acetone il faut préféré les albums Cindy (1993) et If You Only Knew (1996) deux merveilles pêchées dans l’océan du troisième Velvet. Il faut aussi ne pas oublier Richie Lee chanteur timide suicidé au champs d'honneur.
Ned Doheny – Ned Doheny (1973) Ned Doheny est surtout connu pour son album de 1976 Hard Candy, l'un des sommets les moins arpentés du son west-coast seventies. Son premier album celui de 1974 (sans titre) est pourtant presque meilleur, moins remuant, encore plus proche de l'esprit de Laurel Canyon et pour tout dire assez formidable. C'est le disque que j'ai le plus écouté depuis un an. Il ne cesse de me ravir et je commence à placer très haut l’enchaînement de quatre ballades qui le conclut (Postcards From Hollywood, Take Me Far Away, It Calls For You, Standfast). Si vous voulez plus d'information sur Ned Doheny il y a un article assez exhaustif consultable à cette adresse là.
31 janvier 2015. The Sneetches – Slow (1991) Le hasard faisant bien les choses je suis retombé sur ce disque qui ne paye pas de mine avec une pointe de satisfaction amusée. Rien de transcendant, pas d'âme en déroute, aucun « travail sur les textures sonores », mais un climat apaisé et des chansons. C’est déjà beaucoup et c'est parfois amplement suffisant.
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Throwing Muses - Live on KEXP #9
Sunray Venus
Freesia
Static
Dripping Trees
Lazy Eye
The Island
Mississippi Kite
Milan
Glass Cats
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Solitude de l'audionaute de fond (4)
1 février 2015. Trees – Sleep Convention (1982) J’ignore tout de Dane Conover (aka Trees), mais j’imagine qu’au début des années 80 il devait être un drôle de croquignolet. Il suffit de la voir gigoter sur quelques vidéos très amateurs qui traînent sur Internet (réalisées par Kim Fowley !) pour s’en convaincre. Son seul et unique album est vraiment très bien, sautillant et gigotant lui aussi. Produit par Earle Mankey (20/20, Runaways, Concrete Blonde, The Long Ryders, The Three O'Clock, Adicts…) il regorge « d’idées musicales futées » et a tout pour réjouir l’auditeur. Imaginez de petits bidules west-coast enrobés de sucre et chantés par un Gary Numan décongelé et vous ne serait pas loin du compte. Mélodies ramenardes, paroles rigolotes en bien et utilisation astucieuse de l’électronique, que du bon ou presque.
Archie Shepp mériterait bien plus que les quatre lignes ânonnées dans la notule bâclée qui vous êtes en train de lire. Sa carrière est considérable, des débuts avant-gardistes et plus free que mon omoplate gauche, un retour vers le classicisme et Coltrane, plus tardivement un travail admirable sur les standards (des blues à bout de souffle, des ballades dans le velours). Pour vous faire une idée écoutez Blasé un titre de 1970 avec la grande Jeanne Lee une merveille répétitive, tendue et pleine de crudité féministe ( Blasé…. Ain’t you Daddy? / You shot your sperm into me, / And never set me free. / This ain’t a hate thing …). Écoutez cet autre titre enregistré en 1998, le Que reste-il de nos amours de Charles Trenet chanté avec toute la tendresse du monde.
2 février 2015. Andy Roberts – Nina and the dream tree (1971) Vous cherchez un disque discret et doux ? Celui-ci est peut-être fait pour vous. Un peu à l'image des premiers efforts d'Elton John (le primo Elton John est mine de rien assez conséquent), des chansons folk-rock, mais composées au piano ce qui fait toute la différence. Pour en revenir à la douceur et à la discrétion ce titre I' ve Seen The Movie, le second, assez beau il faut bien l'avouer.
3 février 2015. Patty Waters – College tour (1966) Le second album de Patty Waters pour ESP. Enregistré live quelques mois après les sessions de Sings. Pour qui aime les bidules avant-gardistes pleins d'éclat et les voix qui hésitent entre chuchotement et gémissements, c'est une sorte de must imparable. Les autres passeront leur chemin et ils auront bien tort (écoutez It nover enterred my main avec Ran Blake au piano, c'est une merveille exténuée).
Quelques hippies égarés écoutés au débotté. Bobby Brown un aérolithe hawaïen qui pourrait faire penser au récemment déterré Lewis Baloue. Même asthénie apparente, mais une voix bien plus chamarrée puisqu'elle couvre pas moins de six octaves (ce qui n'est pas peu). Quant à la musique, c'est une jolie tambouille psychédélique préparée à partir d'instruments que Bobby Brown aurait lui-même inventés. Tim Down un chevrotant dans les pas de Tim Buckley, jolis violons, jolie chanson, mais pas plus que jolie. Alzo un moins chevrotant toujours dans les pas de Tim Buckley, jolie chanson encore, jolis violons, mais un peu plus de corps, d'épaisseur, d'âme (de Soul?). Pour finir avec nos hippies égarés, Bob Brown (et non Bobby Brown), encore des violons, encore une jolie chanson, un peu Wild Oldham avant l'heure légale, vraiment pas mal.
4 février 2015. Je me souviens avoir vu (et entendu) les Comateens au Palais d’Hiver de Lyon au début des années 80, peut-être 1983. Le groupe était habillé en rouge et noir et l’assistance peu attentive était quant à elle plus occupée à se regarder pied et mèche que la scène pourtant pas si loin que ça. Après le concert buvant une bière au comptoir du Palais je m’étais retrouvé accoudé à côté du groupe, nous avions partagé une bière tout en devisant un peu. Les frères North étaient très sympathiques et Lyn Byrd charmante dans le genre singulière. Oliver North est mort quelques années plus tard d'une sale maladie, c’est ainsi et c'est très triste. Sur la vidéo que je partage là un peu plus haut vous pourrez entendre et voir le groupe interpréter l'un de ses titres les plus connus Ghosts , basse tournoyante, orgue échappé d'une fête foraine, petit riff martial et cette façon un brin post-moderne de tournoyer autour de quarante ans de rock.
Parmi les quelques perversités qui m'assaillent de temps à autre il y a cet intérêt sournois pour la musique progressive italienne. Je dois par exemple avouer beaucoup aimer ce titre du groupe Picchio Dal Pozzo (Napier). Une première partie pleine de flûtiaux et quasi primesautière, une seconde partie (aux environs de 4mn16s) frôlant le sublime forcement sublime qui ferait sangloter un pangolin (ces gens ont visiblement beaucoup écouté Rock Bottom de l'ami Wyatt).
5 février 2015. Molly Drake – Molly Drake (2013) J'écoute Molly Drake et je rosis instantanément, mon cœur s'emballe et me voilà presque amoureux. Molly Drake était la mère de Nick Drake, elle est, morte en 1993 à l'age de 77 ans près de vingt ans après son fils. Une mère que l'on imagine douce et aimante et qui dans l'intimité de la maison familiale aura enregistré en amateur quelques bandes musicales avec l'aide de son mari. Ce sont ces bandes qui ont été rassemblées en 2013, des chansons sobres et pensives fragiles comme des porcelaines posées en équilibre sur une commode bancale. Des lyrics élégants, sophistiqués et profonds où Molly Drake cristallise les regrets, la crainte et le sublime comme seul un poète conséquent pourrait le faire. Voilà peut-être une partie du « mystère » Nick Drake révélé, tout ce qui faisait son charme était déjà chez sa mère. Une belle filiation, dans la douceur
6 février 2015. Je n'ai pas encore écouté le nouveau disque de Dylan, vous savez celui où il chante Sinatra. Il y a cet extrait qui traîne sur YouTube. Magnifique, une colonne d'air essoufflée qui se fiche bien de savoir si elle s’élève dans la justesse (old age). Une autre voix singulière Blossom Dearie qui chante toujours comme une petite fille rattrapée par la patrouille. On parlant de voix singulière Robert Wyatt chante la plus belle chanson d'Epic Soundtracks. Un piano, un duo improbable, encore une merveille.
7 février 2015. Pour finir cette semaine en beauté, regardez et écoutez Françoise, cette étrange orchidée que l'on aimera toujours plus que tout ; pour la sustentation il faut savoir se nourrir de fleurs.
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Solitude de l'audionaute de fond (5)
8 février 2015. Kristin Hersh – Hips and masers (1994) J’ai un don assez peu sautillant pour attirer les filles à problèmes, les lunatiques, les dépressives, les brisées de l’intérieur et même parfois les brisées de l’extérieur, les Kristin Hersh en somme. Qui se ressemble s’assemble allez savoir? En tous les cas, j'ai toujours écouté ce disque comme s'il m'était destiné, alors qu'il n'était évidemment destiné qu'à Kristin Hersh elle-même. C'était sa façon de faire le point après avoir laissé les Throwing Muses de côté, divorcé et perdu la garde de son fils, il y a de moindres traumatismes… Un « exorcisme » d’apparence assez calme, mais bien plus trompeur qu'il n'y paraît. Je ne referais pas l'histoire, vous qui êtes ici savez évidemment déjà tout : la patte discrète de Lenny Kaye, une guitare acoustique, un violoncelle quelques notes de piano au service de chansons plus poignantes les unes que les autres. Parmi ces chansons la plus connue est certainement Your Ghost chanté avec Michael Stipe, un classique sur l'os, mais il y a bien d'autres choses, par exemple cette lettre jamais envoyée, mais chantée (The Letter), je l'écoute à chaque fois avec un pincement au cœur, un peu comme si elle m'était personnellement destinée.
Pour faire bonne mesure d'autres filles écoutées au creux de la nuit : Lois et Rose Melberg.
9 février 2015. Je dois avouer avoir laissé tombé Frank Black après son troisième album sans les Pixies (The Cult of Ray). Ses deux premiers albums étaient formidables celui-ci ne l'était qu'à moitié alors pourquoi vouloir insister plus que ça? Pourquoi risquer d'être déçu par une suite de carrière que je pouvais imaginer par avance un tantinet redondante? Ces deux trois disques me suffisaient et me suffisent toujours amplement, je les écoutes de temps à autre, une ou deux fois par an, avec toujours le même air satisfait (Freedoom Rock ou Los Angeles sont encore des machins formidables avec tout ce qu'il faut là où il faut.) Frank Black a peut-être fait mieux par la suite, je ne sais pas, j'ai des doutes. J'ai l'impression que ses motifs sont un peut trop ténus pour que je m'ennuie pas en les découvrant attaqués sous d'autres angles. J'écouterais ses « nouveaux » disques lorsqu'il seront l’œuvre d'un vieux exténué.
10 février 2015. David Blue with Jackson Browne – Radio Sessions (1972/73) Cette merveille est certainement ce que David Blue aura enregistré de plus beau Ce n'est pourtant qu'un bootleg monté à partir de deux séances radios avec Jackson Browne Les deux dissertent plaisamment et de temps à autre saisissent leurs guitares et se mettent à chanter avec le relâchement de ceux qui savent. Le résultat est magnifique, les chansons de David Blue débarrassées des oripeaux de l’arrangement semblent léviter avec une toute nouvelle légèreté et tout est vraiment pour le mieux. (ce bootleg est téléchargeable à cette adresse là, ne me remerciez pas et écoutez surtout les deux derniers titres, deux vraies merveilles)
11 février 2015 Roaring Lion – Sacred 78' s(1994) Ah ! Voilà le soleil ! Nous allons peut-être enfin retrouver un peu d'entrain, un peu de ferveur sautillante ! Nous allons peut-être pouvoir réécouter des disques pleins de cyan, de magenta, autant de gouaches iridescentes et de couleurs éclatantes, loin de gris et du ton sur ton, d'ailleurs là voyez-vous, je sautille!
Prenons ce disque de Roaring Lion (le plus grand chanteur de calypso sur le marché), c'est un spicilège de 25 titres choisis dans la multitude de ceux qu'il aura enregistrés entre les années 30 et le début des années 60 (du siècle dernier). Des splendeurs, tantôt sautillantes, tantôt romantiques, tantôt concernées par la marche du temps (il y a une chanson consacrée à Mussolini) et toujours chantées avec un entrain trépidant; un entrain trépidant communicatif, forcement communicatif.
12 février 2015. Je saute du coq à l’âne des Caraïbes à Detroit, retour de froideur, mais de l'âme dans les machines. Passant du « séminal » Juan Atkins, de Cybotron et de Model 500 aux productions d'Underground resistance, de Suburban Knight à Drexciya, de feuJames Marcel Stinsonà Dj Rolando et son sublime, forcement sublime Jaguar, un bidule technologique comme on en rencontre peu.
Décès de Steve Strange, figure historique du Londres early eighties, quasi inventeur de la mode néo-romantique à lui tout seul. À l'époque je trouvais tout cela aussi assommant qu"un congrès de garçons coiffeurs en goguette, j’ai du changer d'avis puisqu'aujourd’hui je trouve Fade to grey formidable
13 février 2015. Smog – Burning Kingdom (1994) Un EP, quatre vignettes de tristesse concentrée. L'habituel désespoir froid de Bill Callahan et une chanson chantée pas sa compagne de l'époque Cynthia Dall (Renée Died 1:45). Voix frêle et guitare fragile pour une histoire terrible. La chanson idéale pour un vendredi 13 saumâtre.
14 février 2015. Any Trouble - Where Are All the Nice Girls? (1980) Sur les rares photos qui traînent ici et là le chanteur d’Any Trouble, Clive Gregson, ressemble à un croisement impoli entre Elvis Costello et Joe Jackson, grosses lunettes moches et calvitie malencontreuse. La musique d’Any Trouble est comme ça aussi, on dira 70 % de Costello pur sucre avec l’orgue des Attractions en moins (si vous voyez la chose), 25 % Jackson ramassé Power pop. Le reste est également quantifiable : la clique pub-rock raide de chez Stiff records et bien évidemment Brinsley Schwarz, presque l'inventeur fortement oublié du genre Brinsley Schwarz (avec Nick Lowe dans le fond), notez bien ce nom-là Brinsley Schwarz, Nervous on the Road l’album de 1972 un chef-d'œuvre, mais très modeste. Le disque d'Any Trouble lui n’est pas un chef-d'œuvre, mais une chose agréable, incontestable dans sa fraîcheur pub rock de serie B; une chose assez ironique qui parvient à rester pensive et intelligente sans jamais dégringoler dans la prétention (Costello’s Touch).
Pour le reste, on dira que la production est sèche et les lignes de basses hyperactives; une musique pleine d'intuitions promptes, absolument pas révolutionnaire, complètement classique, dominée par elle-même en somme… écoutez Girls Are Always Right pour vous faire une idée.
Pour en revenir à cette période les premiers disques de Costello sont indispensables jusqu’à Trust avec Get Happy ! en point d’orgue… Les deux premiers Joe Jackson sont merveilleux — c’était avant sa reconversion ennuyante en chanteur de Jazz jonaszien— et Nick Lowe et Dave Edmunds sont très bons aussi et d'ailleurs Ian Dury est le plus grand super héros polio du monde et même Wreckless Eric n’est pas si mauvais que ça.. Qui se souvient de Wreckless Eric hein?
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Solitude de l'audionaute de fond (6)
15 février 2015. Tiens David Pajo a bien failli mourir la semaine dernière, il s'est pendu comme ça au débotté. Une histoire de cœur qui finit mal et vlan ! Bon il s'est un peu raté et s'en est assez bien sorti, c'est déjà ça et c'est mieux que rien. Pour lui rendre un demi-hommage on réécoutera Good Morning Captain le dernier titre de l'album Spiderland de Slint cet incontestable caillou saillant postrock qu'il faut savoir regarder un peu de biais, car il faut se méfier du postrock. En parlant de pendu saviez-vous que Ian Curtis était un amateur averti de Dub et de Reggae? Selon certains de mes informateurs, l'un de ses morceaux préférés aurait été ce magnifique Turn The Heater On chanté par le non moins magnifique Keith Hudson. Un morceau qui sera repris par New Order sous forme d'hommage assez raide, Ian Curtis étant vraiment mort, lui…
Puisqu'il est question de mort, de trépas avant l'heure légale et de choses un peu tristes, vous devriez écouter deux jazzmen disparus trop tôt. Un pianiste, un contrebassiste : Dick Twardzik et Scott LaFaro (ici avec Bill Evans). L'un victime d'une surdose d’héroïne l'autre d'un accident de la route. Deux grands techniciens relâchés.
16 février 2015 Nick Mason – Fictitious sports (1981) Paru sous le nom de Nick Masson pour des raisons que l'on imagine assurément commerciales cet album est en fait un album de Carla Bley chanté par Robert Wyatt. Outre ces trois-là, le casting est raisonnablement impressionnant puisque l'on retrouve Chris Spedding, Michael Mantler et Gary Windo. Des boutures jazz-rock sur l'école de Canterbury, ce côté fanfare brinquebalante caractéristique de Carla Bley. Rien de fulminant, mais un vrai bon titre, le dernier I 'm A Mineralist bel hommage à trois minéralises notoires : « Erik Satie gets my rocks off, Cage is a dream , Phillip Glass is a Mineralist to the extreme ».
Puisque nous sommes avec Robert Wyatt, un curiosité, ce titre Slow Walkin Talk enregistré avec Jimi Hendrix… qui tient la basse.
17 février 2015. Albert Marcœur – Album à colorier (1976) D'Albert Marcœur je ne connais vraiment que ce disque-là et j'ai envie de dire qu'il me suffit amplement puisqu'il a tendance à me ravir globalement. Pochette incertaine, mais contenu primesautier. Les gens qui savent considèrent Marcœur comme une sorte de Zappa français, n'étant pas plus zappiste que ça (Zappa m’assomme assez) je le considérerais plutôt comme un bidouilleur inspiré qui butinerait son inspiration dans des trucmuches plus cornegidouilleux que les unes que les autres : Zappa certes un peu, mais aussi l'école de Canterbury (encore), Vian (sous ergot de seigle) et Dada (un peu partout).
Peter Hammill – Enter K (1982) Les disques de Peter Hammill sont ainsi, sinistres; il y règne continuellement une ambiance comme après une périlleuse tornade. Des choses ravagées et de la mauvaise humeur. Une tentative toujours recommencée de se désunir des autres. Tout cela est regrettable, car le contraire de la vie (selon mon voisin fou du dessus) et Peter Hammill est souvent infréquentable et lugubre... Un David Bowie loser (et donc réussi) qui trimballe sa voix et ses impressions amères du coté de l’enfer… un enfer de plus en plus enfoncé. Bon malgré tout cela ne faiblissons pas et entrons courageusement dans Enter K…. Et bien voyez-vous qu'inopportunément nous ne faiblirons pas, car ce n’est pas un vrai bon disque. Il y règne un son et une esthétique trop eighties et stuc pour être honnête, c’est même pour tout dire l’un des disques les moins cafardeux de Peter Hammill. Pas un disque immense donc, mais (parce qu’il y a un mais) un disque porté par une chanson immense The Unconscious Life : grande gymnastique vocale où notre ratiocineur en chef lutte avec un saxophone pas trop toc, l'une des plus grandes chansons de Peter Hammill ?
Pour finir la journée et puisque la saison est aux pendaisons on écoutera une chose idéale pour. Cette longue plainte folkloriquechantée par Véronique Chalot, rien du folk anglo-saxon, mais du mystère, de l'ancestrale et des regards dubitatifs que je sens d'ores et déjà monter autour de moi.
18 février 2015. La virtuosité est admirable lorsqu’elle est au service du minimum. En avoir sous le pied, être dans une belle marge, voleter au-dessus de sa propre technique, y a-t-il une plus belle façon d’être libre ? Deux types libres deux techniciens appliqués à leur tâche : Bobby Troup chante pour Julie London avec la juste affabilité minimaliste nécessaire (It Happened Once Before), Coltrane accompagne Johnny Hartman en en faisant le moins possible (Lush Life).
Pour le reste du jazz égyptien (Salah Ragab and The Cairo Jazz Band), du funk éthiopien (Mahmoud Ahmed), du rock français (Christophe); autant d'alliages improbables
19 février 2015. The Moberlys – The Moberlys (1979) Si vous êtes maussades, d'une humeur guère sautillante vous pouvez toujours vous soigner en écoutant ce disque des Moberlys il a tout pour réjouir l'auditeur : des miniatures Power pop ensoleillées, l'innocence des sixties pervertie par les late-seventies, un chanteur (Jim Bassnight) qui gazouille comme un Jonathan Richman gentiment coupable, difficile de ne pas se laisser accroché par tout ça.
Dan Penn – The Fame recording (2012) Tous les lecteurs de Peter Guralnickle savent déjà, Dan Penn est considérable. Il a écrit une cargaison de classiques qui rendrait penaud le moindre song-writer qui passe. Cette compilation rassemble des démos, des essais qui valent bien mieux que beaucoup de produits finis. Dan Penn chante et il a une voix formidable, presque une voix noires de plus. La légende dit que nombre d'artistes tâtonnant, il sortait de derrière sa console, se posait devant le micro et se mettait un peu à la tâche histoire de leur indiquer le chemin à suivre. L'assistance était généralement sidérée et les hésitants soudainement inspirés.
Puisqu'il est question de démo on écoutera le jeune David Crosby dans une version d'Everybody's Been Burned frôlant les rivages du sublime, forcément sublime.
20 février 2015. Patrick Juvet – Mort ou vif (1976) Vous allez me trouver pervers, mais je dois avouer un gros faible pour cet album du suisse sybarite. Enregistré à Los Angeles (Wally Hyder Studios) avec une belle flottille de requins de studio (Ray Parker Junior, Melvin "Wah Wah" Watson…) produit et arrangé par Jean Michel Jarre c'est un peu son Paradis Perduà lui, son album rock credibility. Trois-quatre vrais bons titres (Les lunettes Noires, les Idées Molles, Faut Pas Rêver, Papa S'Pique Et Maman S'Shoote…) et un higlight frôlant l'alpestre : L'Enfant Aux Cheveux Blancs, basse slappée, guitare flangée et les lyrics aimablement naïfs de Jarre, des lyrics comme on en rencontre peu.
21 février 2015. On terminera la semaine par du morose (Simon Joyner un bon écrivain de chansons chante Joy Division tout près de l'os) et par du tranquille (Howe Gelb et Giant Sand, un whisky old age).
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